"Il est de la plus haute importance que l'âme s'exerce beaucoup à l'AMOUR, afin que, se consommant rapidement, elle ne s'arrête guère ici-bas, mais arrive promptement à voir son Dieu face à face." (S. Jean de la Croix)

MES RETRAITES

Avis aux lecteurs...

Première Série des Retraites

du Père Onésime LACOUTURE, s.j.

Doctrine surnaturelle

pour se défaire de toute mentalité païenne.


Dixième Instruction

Le Souverain Domaine de Dieu



" Que votre règne arrive! "

Plan

Remarque: Accepté en théorie, rarement en pratique.

Dieu donne aux êtres…

C’est la doctrine de…

Quelques effets pratiques…

Remarque.

Dans l’instruction précédente nous avons exposé la gloire de Dieu en fonction des échantillons, ou des perfections divines vues à travers les créatures. C’est ce que Dieu nous fait demander par la première demande du Pater: "Que votre nom soit sanctifié." Dans celle-ci nous expliquerons sa gloire en fonction de son activité divine par les créatures. Ce n’est pas qu’il y ait une distinction entre être et agir en Dieu, mais d’après notre manière de concevoir les choses nous distinguons l’activité de la substance. C’est la deuxième demande du Pater: Que votre règne arrive!

En théorie, nous acceptons tous que c’est Dieu qui agit à travers ses créatures en proportion qu’elles nous dépassent, comme dans les astres du firmament, dans les nuages et dans les tempêtes, dans les tremblements de terre et les grands bouleversements du monde politique. Mais dans le concret de la Vie et dans toutes ces petites choses qui constituent la journée de l’homme, nous ne l’acceptons pas si facilement, comme si Dieu n’était pas l’Auteur du monde microscopique aussi bien que du monde télescopique. Combien ne se plaignent pas de ce qui se passe dans le firmament qui se plaignent amèrement de ce que Dieu fait dans la maison! Si Dieu est responsable des éclipses de lune et de soleil, il l’est aussi des éclipses de jugement des personnes qui nous entourent. Celui qui fait hurler le vent au coin de la maison est le même qui fait pleurer l’enfant; que l’un ne nous impatiente pas plus que l’autre!

Par souverain domaine de Dieu, nous voulons dire que Dieu est le Maître absolu de toutes ses créatures et qu’il contrôle toute leur activité pour produire les effets qu’il veut, exactement comme un homme fait ce qu’il veut avec son bâton dans la main, même quand ce n’est pas raisonnable. Le péché seul arrive malgré Dieu. Jésus l’enseigne quand il dit que pas un cheveu ne tombe sans la permission de Dieu.

La foi veut que nous prenions l’attitude des élus du ciel. Eux voient clairement que Dieu fait tout dans ses créatures; nous devons le croire. C’est pourquoi il est bon de repasser ce dogme dans le détail afin de s’en pénétrer l’esprit et le cœur pour qu’il passe dans la pratique de la vie.

Dieu donne aux êtres…

L’existence. Réfléchissons sur cet argument de St Thomas. Pas un être créé n’existe par lui-même, parce que tous les êtres sont contingents, c’est-à-dire qu’ils auraient pu ne pas exister. Leur existence est donc une participation. Or lorsqu’une qualité se trouve dans un être par participation, il faut qu’elle soit causée par un être qui l’a essentiellement. Ainsi le fer, qui n’a pas la chaleur par lui-même, devient chaud par le feu à qui la chaleur convient essentiellement. Or, Dieu est le seul être à qui l’existence convient essentiellement; c’est donc de lui que tous les êtres reçoivent l’existence.

La conclusion est logique et rigoureusement vraie; l’esprit le voit clairement. Il s’agit de la faire descendre dans la volonté ou dans le cœur pour que de là elle passe dans la pratique de la vie. C’est là le but de toute méditation. Retournons cette vérité dans l’esprit pour en mieux voir la portée pratique dans la vie chrétienne.

Commençons par nous-mêmes. Dieu nous a créés comme il a voulu avec un certain nombre de qualités et avec des défauts. Je dois donc respecter l'œuvre de Dieu en moi pour lui donner la gloire qu’il attend de moi en me créant. Si un artiste étalait son travail devant moi, comment agirais-je si je veux lui faire plaisir? Je louerais son œuvre. Autrement si je la méprise, je me trouve à le mépriser lui-même et il en serait peiné.

Eh bien! Je dois donc agir de la même manière avec Dieu si je veux le glorifier comme je le dois. Il n’était pas tenu de me créer; tout ce que j’ai est un pur don de sa bonté divine; je dois donc l’en féliciter. Peu importe que d’autres ne m’aiment pas, Dieu ne m’a pas créé pour les autres, mais uniquement pour lui. Or, lui est satisfait de ce que j’ai et de ce que je suis puisqu’il m’a fait comme il le voulait.

Dans le ciel est-ce que je ferai la moue devant Dieu parce qu’il ne m’a pas fait aussi brillant que St Paul? Je serai absolument satisfait des degrés de gloire que j’aurai au ciel; je dois donc commencer tout de suite sur la terre à faire ce que je ferai au ciel.

Voici un bon moyen de se convaincre de cette vérité; c’est de se servir de la comparaison verticale dont nous avons parlé au sujet des échantillons. Le pouvoir représentatif d’un échantillon ne lui vient pas de sa quantité, mais de sa qualité. Un pouce carré de soie suffit pour donner une bonne idée de toute la pièce, comme une cuillerée de sirop suffit pour en faire désirer une grande quantité.

Les bonnes qualités que Dieu a mises en moi, quelque limitées qu’elles soient, suffisent pour me donner une grande idée des perfections divines et me les faire désirer ardemment. C’est assez pour que j’estime tout ce qu’il a mis en moi. Si je glorifie Dieu avec mes deux talents, j’aurai la même récompense que celui qui le glorifie avec cinq talents. Ce n’est pas ce qu’on retourne à Dieu, qui compte devant lui, mais la manière et l’amour qu’on y a mis. Nous verrons dans la méditation sur l’humilité que ces idées ne sont pas du tout contraires à cette vertu.

La conclusion est que chacun doit être satisfait de ce que Dieu lui a donné, qu’il doit être fort reconnaissant envers Dieu et le montrer par la joie et le contentement habituel. Des enfants bien élevés sont toujours contents de ce que leurs bons parents font pour eux. Soyons donc de ces enfants bien élevés du bon Dieu!

J’insiste sur mon cas parce que c’est la même doctrine pour le prochain; tout ce que je vois en lui doit m’aider à monter vers Dieu pour le glorifier. Je dois être satisfait de lui tel que le Dieu l’a bâti. Tant qu’on garde la comparaison verticale tout va bien; l’on glorifie Dieu et l’on se sanctifie.

La misère et le malheur commencent quand on sort de l’intention divine pour faire des comparaisons horizontales comme de vrais païens. Le monde est rempli de gens jaloux et envieux précisément parce qu’ils comparent des échantillons entre eux au lieu de les comparer avec les perfections divines. On se trouve à rester uniquement dans le monde naturel où le démon règne en maître et gâte toute notre vie.

C’est bien curieux que les hommes soient toujours choqués de voir des limites dans nos petites perfections créées. Mais c’est de l’essence même des choses créées d’être limitées; allons-nous prendre 50 ans pour l’admettre? C’est justement cette limite qui devrait nous aider à monter à Dieu; elle indique évidemment que nous sommes en présence d’un simple échantillon de la perfection divine correspondante. Alors cela devrait nous aider à filer vers Dieu où la perfection se trouve sans limite.

Comme nos déficiences sont l’occasion de beaucoup de mauvais sang chez les gens, repassons donc quelques raisons que Dieu avait de nous faire limités en plus de ce que l’essence de créature requiert.

1 Dieu ne veut pas que nous cherchions notre bonheur ici-bas, mais au ciel seul. Voilà pourquoi il a fait ses échantillons si pauvres et si petits. Si les gros magasins envoyaient des échantillons de leur marchandise en grande quantité, les gens seraient satisfaits et ils n’achèteraient rien du magasin.

L’expérience montre que dès que Dieu donne tant soit peu de beauté à une personne, les autres l’aiment et la recherchent pour elle-même et ils ne donnent aucune gloire à Dieu; ils vont même jusqu’à préférer cet échantillon à la divine beauté. C’est de l’idolâtrie! S’il donne un peu de richesse, les gens ne cherchent plus le ciel. Voilà pourquoi Dieu donne si peu de bonté et de beauté aux choses et aux personnes. Il les fait surtout laids pour que les hommes préfèrent le Créateur aux créatures. Combien même lui préfèrent ces valentins? Que serait-ce s’il les avait tous faits beaux? tous plus attrayants?

Dieu est obligé de gâter même ce peu de qualités par l’âge, les infirmités et les maladies, afin de détacher les hommes de ses échantillons. Quand ils se voient rejetés de tout le monde, ils se retournent du côté de Dieu, comme ceux qui ne voient plus rien d’attrayant en ces personnes devraient aiguiller leur cœur sur Dieu seul.

2 Dieu a fait les êtres imparfaits pour nous donner une chance de coopérer avec lui afin de les améliorer. Si un artiste finissait complètement une statue, quelle gloire resterait pour ses élèves? Plus il a confiance en leur habileté et plus il veut les honorer, il leur laisse la statue inachevée pour qu’ils aient une chance de montrer leurs talents. Puisque nous sommes destinés à aller partager l’activité divine au ciel, Dieu veut que nous commencions tout de suite à coopérer avec lui en embellissant les êtres.

Ne nous fâchons donc pas contre les imparfaits, mais faisons-leur tout le bien possible et améliorons-les avec tout le tact et toute la charité que nous pouvons mobiliser pour leur faire du bien.

3 Dieu se sert des imperfections des autres pour nous faire expier nos péchés. Il n’est pas seulement bon; il est aussi juste; il doit donc punir les pécheurs. Il se sert de toutes ses créatures pour exercer sa justice contre ceux qui l’offensent. C’est une partie de notre purgatoire qu’il nous offre sur la terre tout en méritant plus par ces souffrances présentes.

Dieu donne le mouvement aux êtres qu’il a créés. Voici un raisonnement qu’on peut donner. Dieu a tout fait pour sa gloire. Mais pour que les êtres contribuent quelque chose à cette gloire, il faut que chaque être ait reçu en plus de sa fin propre une autre fin subordonnée à une foule d’autres êtres incapables par eux-mêmes de glorifier Dieu. Or l’ordre et la subordination nécessaires à ces êtres existent surtout dans l’activité par laquelle ils obtiennent leur fin particulière. Cette activité leur vient donc de Celui qui a conçu cet ordre et cette subordination dans la création.

Au point de vue de l’activité, l’agent et l’instrument ne font qu’une seule chose. L’agent agit à l’aide de son instrument et l’on attribue l’effet uniquement à l’agent. Si je demande qui a pelleté la neige du trottoir, personne ne dira que c’est la pelle. Si on demande à un homme: qui vous a opéré? Il ne dira jamais: c’est un scalpel, mais c’est un tel chirurgien avec son scalpel.

Dieu agit dans toute action de trois façons: comme fin, car toute action se fait en vue d’un bien qui est une participation de Dieu; comme agent, qui par sa vertu initiale meut tous les agents subordonnés; comme forme, en leur donnant leur aptitude d’agir. Un menuisier meut la scie seulement, mais c’est par sa forme ou par ses dents que la scie pénètre dans le bois.

Cette explication montre que les êtres ne sont pas inutiles, quoique soumis à l’action divine. Ce n’est pas le menuisier qui pénètre dans le bois, mais la scie. De même quand je marche, ce n’est pas Dieu qui marche, c’est moi, mais en vertu de son activité divine qu’il m’a donné. C’est pourquoi on voit que les saints gardent leurs caractéristiques naturelles dans leur sainteté. Les prompts restent prompts, les doux restent doux, les rudes restent des saints rudes, etc.…

La conséquence est qu’on doit attribuer à Dieu absolument tout ce que font les êtres créés, excepté le péché. Quand le soleil me chauffe il fait ce pourquoi Dieu l’a créé. Dieu veut toutes ces choses positivement, non pas toujours d’une volonté qui commande sous peine de péché, mais d’une volonté réelle. Quand une mère de famille met sur la table plusieurs bons plats elle veut les mettre là pour sa famille mais elle n’est pas offensée si les enfants ne mangent pas tout ce qu’elle a mis pour eux sur la table; elle les laisse libres de prendre ce qu’ils veulent. Il en est de même pour Dieu à notre égard.

C’est curieux qu’une doctrine si sûre soit si peu comprise et pratiquée par les fidèles et même par les prêtres. Que de fois j’en ai rencontré qui refusaient absolument d’accepter cette doctrine si claire dans l’Écriture et si souvent enseignée par les Saints.

Un religieux prêtre me racontait un jour qu’un chauffeur d’automobile avait tué un enfant et il me disait ce qu’il avait fait pour consoler la mère. Il lui avait dit que ces choses sont inévitables à cause du nombre d’imbéciles qui conduisent sans le savoir bien, qu’ils ne sont pas attentifs, etc.… des arguments de païens! Alors j’ajoute: vous lui avez dit sans doute que c’était le bon Dieu qui était venu chercher son enfant pour le mettre dans son ciel? Pas du tout, répond-il. Ce n’est pas le bon Dieu qui voulait cette mort; la faute est à ce fou qui ne regardait pas où il allait! J’ai eu beau lui expliquer que c’était Dieu qui avait voulu cet accident, il refusa absolument de l’accepter et il me blâma de mettre sur le dos de Dieu les bêtises des hommes… et combien raisonnent comme ce païen! Que de prêtres sont impatients avec les pauvres, les ignorants et tous ceux qui les contrarient tant soit peu! Comme beaucoup sont sévères pour leurs servantes et leurs serviteurs; ils les traitent comme s’ils n’étaient pas du monde! Ces prêtres ne vivent donc pas de foi. Ne savent-ils pas que Jésus a dit: "Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites."

Pourtant il faut si peu de réflexion pour se convaincre que c’est bien Dieu qui veut les conséquences des manques de qualités qu’il laisse à ces êtres. À qui la faute si je ne puis pas voler comme un oiseau? si je ne vois pas les microbes qui causent les maladies contagieuses? si je ne vois pas à gauche quand je regarde à droite? À qui la faute si on manque d’intelligence? de courage? d’affection? Dieu seul est responsable des effets de ces manques de qualités qu’il ne nous a pas données.

Je monte en chaire pour prêcher et voilà que j’oublie mon sermon. Qui peut se rappeler une chose qu’il a oubliée? À quoi bon me choquer? me disputer? ou être humilié? Que vont dire les gens? S’ils sont un peu intelligents ils vont dire que j’ai oublié mon sermon, ce qui est vrai! Dieu a voulu tout cela. C’est à moi d’en tirer le meilleur parti. Je pourrais leur dire quelque chose comme ceci: Mes frères, Dieu ne veut pas que je donne mon sermon aujourd’hui; il trouve probablement que vous avez déjà reçu assez de bonne doctrine de cette chaire que vous n’avez pas suffisamment pratiquée… disons une dizaine de chapelet pour vous obtenir cette grâce! et l’on descend de chaire aussi riche de mérites que si nous avions donné un beau sermon. Après dîner, ce sera le temps d’aller prendre une marche à travers le village pour rencontrer vos amis et apprendre d’eux ce qu’ils pensent de votre sermon raté!

Encore un exemple pour les têtes dures en cette matière! Un soir vous descendez l’escalier et vous trébuchez sur le balai! laissé là par oubli et vous vous cassez le nez! Combien vont disputer la servante qui l’a laissé là. Ce n’est pas une place pour laisser le balai! C’est vrai, excepté quand Dieu veut vous casser le nez! Parlez comme Job: Dieu m’avait donné un beau nez et Dieu me l’a cassé, que son saint nom soit béni! Et n’allez pas disputer la servante. Elle ne le laissera plus jamais là. Dieu voulait vous casser le nez et c’est fait! Il prendra un autre moyen quand il voudra vous casser autre chose!

Dieu donne l’orientation selon la fin qu’il assigne à tout être. Il donne l’être et le mouvement précisément pour que cet être arrive à sa fin; il l’ordonne donc de ce côté. Pour juger les êtres il faut donc toujours tenir compte de leur fin; c’est si simple et si souvent oublié! Par exemple; on demande mon appréciation d’une machine; croyant que c’est un dactylographe, j’essaie d’écrire et ne réussis pas du tout. Alors je me fâche contre cette machine et dis qu’elle n’est bonne à rien, je ne puis pas écrire avec elle! Mais on me dit: c’est une machine à coudre! C’est une autre affaire! Eh bien! Que de fois on agit aussi sottement avec les personnes et les choses! On croit le monde créé pour nous servir et nous plaire et tous les êtres qui ne le font pas sont jugés comme inutiles ou nuisibles et l’on se fâche contre eux. Si un nigaud m’est à charge je n’ai qu’à chercher l’intention de Dieu en créant cette "machine" et je trouverai que Dieu l’a créé pour avoir sa gloire, pas la mienne; pour son service pas le mien! Si je ne puis utiliser ce nigaud, je n’ai qu’à le laisser tranquille en attendant qu’un autre s’en serve. Quand j’ai besoin d’une scie, est-ce que je dispute le marteau de n’être pas une scie? Il aura son utilité en temps et lieu; je dois le respecter même quand je ne m’en sers pas. Respectons donc les personnes même quand elles sont inutiles pour nous apparemment. Nous pouvons toujours reconnaître que c’est Dieu qui les a créées telles qu’elles sont; déjà c’est de la gloire pour Dieu.

Ne soyons plus des voleurs de la gloire de Dieu. Rappelons-nous que les personnes ont été créées pour louer, révérer et servir Dieu, et pas pour nous. Que de gens écartent les personnes qui ne les louent pas et s’entourent de flatteurs qui leur donnent pour leur malheur les louanges qu’ils cherchent avidement pour leur propre satisfaction. C’est du paganisme tout pur! Et comme il y en a de ces "païens" même chez une foule de supérieurs! Les inférieurs savent exploiter habilement cette faiblesse des supérieurs pour obtenir d’eux tout ce qu’ils veulent tandis que ceux qui réservent leurs louanges pour Dieu seul sont délaissés par les supérieurs. Que de malaises dans les communautés à cause de cet esprit païen! Tous ces inconvénients disparaîtraient si nos chrétiens étaient convaincus de la vérité que nous exposons ici.

Tout ce que nous venons de dire est encore plus vrai dans le monde surnaturel qui est une participation intime à la vie de la Trinité. C’est un peu comme si un roi établissait des serviteurs sur ses terres pour les cultiver; ce serait lui qui les dirigerait, mais de loin. Son action serait encore plus directe et plus royale pour ainsi dire sur ses propres enfants dans son palais, où ils participent à sa vie intime. Dans la vie surnaturelle c’est Dieu lui-même qui fait tout directement et totalement.

C’est la doctrine de…

L’Ancien Testament. Ecclé. 11-14: "Les biens et les maux, la mort et la vie, la pauvreté et la richesse viennent du Seigneur."

Ps. 145: "Il couvre les cieux de nuages et prépare la pluie sur la terre; il fait croître l’herbe sur les montagnes, il donne la nourriture au bétail, aux petits du corbeau qui crient vers lui; il fait tomber la neige comme de la laine, il répand le givre comme de la cendre."

Judith, 9: "C’est vous qui avez opéré les merveilles des temps anciens et qui avez formé le dessein de celles qui ont suivi et elles se sont accomplies parce que vous l’avez voulu. Toutes vos voies sont tracées d’avance et vous avez disposé vos jugements par votre prévision."

Toute l’histoire du peuple Juif montre que Dieu le contrôlait jusque dans les plus petits détails. St Paul dit que Dieu faisait tout cela en vue de préparer le Nouveau Testament par la figure de l’Ancien. Tout était donc contrôlé par Dieu.

Nouveau Testament. Jésus enseigne cette doctrine de toutes les façons possibles. Il dit que pas un cheveu ne tombe sans la permission de Dieu, de même pas un moineau ne tombe du toit que par la volonté de Dieu; que nos pensées les plus secrètes lui sont connues parce qu’il les produit en nous. De lui-même il dit que ses pensées, ses paroles et ses actions ne sont pas de lui, mais de son Père. Il ne veut pas qu’on s’inquiète du lendemain parce que Dieu nous donnera ce qu’il voudra, évidemment par ses créatures.

Il souffre, dans sa passion, de la part des démons et des choses. Or il dit qu’il ne reçoit tout cela que comme venant de son Père. Or nous sommes les membres de son corps mystique; tout cela est donc vrai aussi dans notre cas.

Les Actes le disent, 3-27: "Car Hérode et Ponce Pilate avec les gentils et le peuple se sont vraiment unis ensemble contre votre saint Fils Jésus que vous avez consacré par votre onction pour faire ce que votre puissance et votre conseil avaient décrété devoir être fait."

Doctrine des Saints. St J. Chrysostome. hom. 3, 1 Thes., écrit: "un voleur perce le mur d’une maison… emporte des vases d’or et des pierres précieuses, le trésor tout entier d’une famille, il dépend de vous de faire que ce soit ou un gain ou une perte. Si vous rendez grâces à Dieu, si vous tenez le langage de Job: Le Seigneur me l’avait donné, le Seigneur me l’a enlevé… Osez-vous dire: Le Seigneur vous l’a ravi? Comment pouvez-vous élever contre Dieu une pareille accusation? Que cela ne vous étonne pas; quand Job est spolié par le diable, il dit: Le Seigneur me l’a ravi. S’il a pu parler de la sorte, comment ne pouvez-vous pas à votre tour attribuer à la volonté de Dieu ce dont le voleur est l’instrument coupable."

À Ste Catherine de Ricci Dieu disait: "Pour ne pas priver une âme des épreuves nécessaires à la gloire qui lui est prédestinée, Dieu jetterait plutôt dans l’aveuglement et les ténèbres une infinité de saints personnages afin qu’ils préparent ce vase d’élection, par les jugements téméraires et désavantageux qu’ils en feraient." Vie par Tauler, ch. XI.

Rodriguez, Vol. div., ch. 2: "C’est une vérité tellement appuyée sur l’autorité de la sainte Écriture que toutes les traverses et les souffrances viennent de la main de Dieu, qu’il ne serait pas nécessaire de nous arrêter à le prouver, si le démon, par de vaines subtilités, ne tâchait de l’obscurcir et de la rendre douteuse… le mal toutefois, disent-ils, qui arrive par le moyen d’un homme dont on aura été volé, ou blessé, ou déshonoré, ne vient point de la main de Dieu et n’est point dirigé par l’ordre de sa providence, mais procède seulement de la malice et de la volonté vicieuse de l’homme.

On ne peut soutenir cette opinion sans être dans une dangereuse erreur. S. Dorothée dit très bien à ce sujet, en reprenant ceux qui ne reçoivent pas toutes choses comme envoyées par la main de Dieu. Lorsque nous entendons dire quelque chose contre nous, nous faisons comme les chiens qui courent après la pierre qu’on leur jette pour la mordre en laissant celui qui la jette; ainsi, nous, laissant Dieu qui nous envoie ces sortes de mortifications pour l’expiation de nos péchés, nous courons à la pierre, c’est-à-dire, nous nous en prenons au prochain et nous tâchons de nous venger sur lui."

Scaramelli. Vol. div. ch. 2: "Dieu est la vraie cause de tous ces effets non seulement parce qu’il les a voulus chacun en particulier et les a ordonnés de toute éternité par un décret positif, mais encore parce qu’il a influé effectivement sur l’existence de tous en tant que cause première, dont tout doit nécessairement dépendre, comme le dit Isaïe, en s’adressant au Seigneur: Vous avez fait pour nous toutes ces œuvres." 25-12.

Dieu a établi cet ordre de causes naturelles d’où résultent tantôt la fertilité, tantôt la stérilité des champs, tantôt la douce température favorable aux mortels, tantôt les intempéries pernicieuses de l’air. C’est par ses ordres que se meuvent les vents qui détruisent les récoltes, que s’élèvent les tempêtes qui submergent les vaisseaux avec tout ce qu’ils renferment, que se succèdent les différentes saisons de l’année, les chaleurs, les pluies, le froid, etc. En refusant de nous soumettre à sa divine volonté dans tous les effets désagréables de la nature, nous nous montrerions rebelles envers lui, puisque par là nous préférerions notre volonté aveugle et désordonnée aux ordres de son infinie sagesse…

C’est l’enseignement de tous les saints qui ont écrit sur ce sujet. Les martyrs ont accepté de Dieu ce qui leur venait de la méchanceté des hommes exactement comme Jésus dans sa passion. Tout dans sa passion était insensé, injuste et cruel et cependant Jésus dit: Est-ce que je ne dois pas boire le calice que mon Père m’a préparé? Nous devons donc l’imiter en voyant Dieu dans toutes les contrariétés qui nous arrivent de la part des hommes même les plus diaboliques.

Quelques effets pratiques.

Développe la présence de Dieu. Dieu est invisible. Si donc nous voulons penser à lui, il faut surveiller son action dans les créatures. Comme lorsque j’entends mon voisin de chambre faire quelque bruit, je pense à lui et je sais qu’il est là; ainsi quand je m’arrête à un effet d’une créature comme manifestant la présence de Dieu, je pense à lui et je puis faire toutes sortes d’actes intérieurs pour l’honorer et lui montrer mon amour. Dieu frappe à la porte de nos cœurs à travers les actions des créatures qui nous entourent. Quand on sait qu’un ami frappe à la porte on va vite lui ouvrir; qu’on fasse de même pour Dieu qui frappe notre attention par tout ce que les créatures nous font. Comme nous sommes constamment à subir cette action, nous pouvons ainsi penser constamment à Dieu.

Donne à l’âme la paix et le mérite. Car elle enlève la principale cause d’énervement et d’impatience. On s’impatiente quand on croit que telle contrariété ne vient que des hommes et que s’ils voulaient, ils la feraient cesser. Ainsi quand on est couché et que des voisins bavardent fort et longtemps, on se choque contre eux tandis qu’on ne se choque pas contre le tonnerre qui gronde même longtemps parce qu’on sait bien que c’est Dieu qui fait le tonnerre. Eh bien! Maintenant qu’on sait que c’est Dieu qui a bâti ces hommes pour qu’ils nous contrarient ainsi, il ne faut pas plus se choquer contre eux que contre le tonnerre.

Les jaloux et les envieux seraient guéris s’ils savaient que c’est Dieu qui donne du succès aux autres et pas à eux. Se fâcher contre un voisin parce que son avoine pousse bien. C’est Dieu qui la fait pousser et cela n’empêche en rien mon avoine de pousser aussi. Pourquoi en vouloir à mon voisin alors? Puisque le bien des autres les choque ils ne voient pas Dieu dans ce bien; ils ne le voient pas plus dans ce que Dieu fait pour eux-mêmes. Ce sont de vrais païens.

St Paul, 1 Cor. 3-3, dit: "Puisqu’il y a parmi vous jalousie et esprit de contention, n’est-il pas visible que vous êtes charnels?"

Jac. 3-14: "Mais si vous avez dans le cœur une jalousie amère et l’esprit de contention, ne vous glorifiez point et ne mentez point contre la vérité. Ce n’est pas là la sagesse qui vient d’en-haut, mais une sagesse terrestre, animale, diabolique."

Quand on voit Dieu en tout, on est aussi content du succès des autres que du sien propre, puisque c’est Dieu qui donne les deux. On est aussi content d’entendre les autres parler de leurs exploits que de parler nous-mêmes des nôtres. C’est une bonne pierre de touche de l’esprit de foi. Où sont ceux-là qui se réjouissent du bien que font leurs confrères? Comme c’est rare!

Celui qui voit Dieu dans tout ce qui lui arrive vit de foi et acquiert un grand mérite devant Dieu. Cette vue de Dieu lui fait non seulement accepter les contrariétés, mais lui aide à tout faire avec la plus grande perfection puisqu’il travaille sous l'œil de Dieu.

Reste le devoir de s’améliorer. La parabole des talents montre que Dieu veut que nous améliorions tout ce qu’il nous donne, car il a puni celui qui n’avait pas fait fructifier son talent. "C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruits." Dieu veut nous honorer en nous faisant coopérer avec lui dans le bien qu’il fait dans les êtres et par eux. Comme il veut nous faire participer à son activité divine au ciel, il veut que nous commencions tout de suite sur la terre dans la foi. Or lui travaille toujours pour notre bien, il veut que nous travaillions avec lui.

Mais guerre au factice! Dieu n’aime pas plus l’hypocrisie dans les choses que dans les personnes. Par exemple, ces couleurs factices que les femmes affectionnent tant, participent à la nature du mensonge. Elles veulent faire croire qu’elles ont des couleurs qu’elles n’ont pas; n’est-ce pas comme si elles mentaient? À celles qui disent que Dieu a fait ces bonnes choses pour s’en servir, je réponds qu’il a fait aussi la langue pour s’en servir, mais il a donné un commandement spécial de ne pas s’en servir pour tromper les autres. Il en est ainsi pour toutes ces contrefaçons.

Mais ce qui choque Dieu le plus c’est qu’on fait ces choses pour plaire au monde; c’est donc qu’on l’aime. Que dirait un mari si sa femme se fardait pour plaire à un autre homme? Eh bien! nous sommes mariés avec Dieu et quand nous agissons pour plaire au monde, nous voulons plaire au rival de Dieu. Voilà le plus grand mal de celles qui suivent ces modes et ces caprices du monde.

Ce serait bien différent si ces choses rendaient service, comme celui qui se sert d’une jambe de bois pour marcher mieux, ou de fausses dents pour mieux mastiquer, etc.…

Guerre donc à la paresse! Quand on voit Dieu dans le prochain on est porté à tout faire pour le rendre heureux par amour pour Dieu. C’est justement pour cela que Dieu a mis tant de pauvres, de malades, d’infirmes et d’ignorants; il veut nous donner une chance de lui faire plaisir et d’acquérir du mérite en aidant le prochain. Le paresseux ne pense jamais à cette charité qu’il devrait avoir pour les personnes que Dieu a mises sur son chemin. Quelques détails dans différentes catégories de gens:

Que de cultivateurs font la paresse en fumant leur pipe des heures de temps quand il y a des centaines de choses qu’ils pourraient faire pour faciliter la vie de leur famille. S’il se faisait un abri pour son bois, sa femme et ses enfants ne seraient pas obligés d’aller le chercher dans la neige l’hiver, le faire sécher et tout salir dans la maison. Ses portes de granges ferment mal, les fenêtres ferment mal, les serrures sont cassées, ses voitures sont cassées, il n’a pas de buffet pour le linge ou le manger, ses champs sont couverts de mauvaises herbes, ses fossés remplis de terre, ses clôtures tombent par terre, etc.… Que de paresse là! Que de manque de foi et de charité! Quelle perte de mérites pour le ciel!…

Les citadins flânent à leur façon. Au lieu de s’instruire pour se rendre plus utiles à leur famille et au prochain tout en apprenant mieux à sauver leur âme, ils niaisent dans les magasins, dans les "comiques" des journaux et dans les récits de joutes de toutes sortes à travers le pays, à visiter les cinémas, etc.…

Ils devraient s’instruire en lisant la Bible et les bons livres dans les bibliothèques près de chez eux. Les églises sont proches, ils pourraient aller à la messe sinon tous les jours, au moins très souvent y faire la sainte communion, faire des visites au S. S. et y prier longtemps. Cela serait facile s’ils retranchaient dans les vanités du monde des heures pour les donner aux choses de Dieu.

Les prêtres et les religieux devraient se développer dans les choses spirituelles comme dans la lecture de la Bible, des Pères de l’Église et des Saints et des auteurs spirituels. Ils pourraient faire plus pour améliorer le sort des pauvres, des ignorants en les instruisant plus souvent et mieux. La prédication devrait être plus longue et plus fréquente. Elle serait plus intéressante aussi si les prêtres étaient formés dans la théologie pratique aussi bien que dans la théologie spéculative. Quand on vit de Dieu et du surnaturel, on a de quoi dire aux fidèles et ils sont contents de le recevoir.

Actes, 5-43; "Ils ne cessaient point tous les jours d’enseigner et d’annoncer J-C. dans le temple et dans les maisons." Pour prêcher de la sorte il faut être plein de Dieu et des choses divines. Ce n’est pas aux joutes qu’on prépare ses sermons ni aux vues animées! ni en lisant des magazines ou en écoutant la radio!…

Un grand obstacle aux améliorations se trouve dans les traditions. Il y en a de respectables et d’utiles, très bien. Mais combien d’autres devraient disparaître. Elles n’encouragent que la paresse. Ces nigauds ne veulent rien faire pour les autres, souvent parce qu’ils ne voient pas ce qu’ils pourraient faire pour le bien des autres. Ils cachent le vide de leur esprit dans l’admiration du passé. Ils vantent leurs devanciers pour se dispenser d’agir dans le présent. À l’ombre de l’Église, ils se sont fait une petite vie bourgeoise qu’ils veulent garder à tout prix.

Tous ces regards en arrière, généralement, sont des regards de mort. Il n’y a plus rien là que des tombeaux vides ou pleins d’ossements secs et inutiles pour tous. Ce que le passé avait de bon, il nous l’a donné par nos parents et par la culture qu’il nous a léguée et pour laquelle nous devons lui être reconnaissants devant Dieu.

St Paul cultivait ses traditions ancestrales; quand il se convertit, il les rejeta toutes et les considéra comme du fumier. Il dit qu’il ne regarde ni à droite, ni à gauche, encore moins en arrière; mais qu’il s’élance vers le but qui lui est proposé par sa destinée surnaturelle.

Vivons dans le présent pour faire tout le bien possible à notre prochain qui vit autour de nous. Ayons les yeux ouverts pour faire mieux que nos prédécesseurs pour la plus grande gloire de Dieu. Par exemple, ce n’est pas la coutume que les fidèles communient à la grand-messe. Eh bien! ils devraient le faire et c’est aux Curés à introduire cette nouveauté. La grand-messe se dit comme les messes basses pour fournir du pain aux enfants de Dieu! Au lieu de nos comparaisons horizontales, si on regarde au ciel pour voir ce que Dieu veut que nous fassions pour le prochain, nous découvrirons des merveilles d’améliorations de toutes sortes.


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