"Il est de la plus haute importance que l'âme s'exerce beaucoup à l'AMOUR, afin que, se consommant rapidement, elle ne s'arrête guère ici-bas, mais arrive promptement à voir son Dieu face à face." (S. Jean de la Croix)

MES RETRAITES

Avis aux lecteurs...

Première Série des Retraites

du Père Onésime LACOUTURE, s.j.

Doctrine surnaturelle

pour se défaire de toute mentalité païenne.


Neuvième Instruction

Les échantillons

Deuxière Partie : APPLICATIONS PRATIQUES



1-. Cette idée d’échantillon enlève une foule de critiques. Comme les prêtres ne la donnent jamais ou trop rarement aux fidèles, ils passent leur vie à comparer les créatures entre elles. Il y a du bon pour développer les sciences. En comparant différents phénomènes on peut en déduire certaines lois qui constituent la science.

Mais en dehors de l’étude des lois de la nature, ces comparaisons disons selon l’horizontale, sont accompagnées d’une foule de fautes de toutes sortes. Les uns comparent la nourriture de telle famille avec celle d’une autre famille, et naturellement on vante l’une au détriment de la réputation de l’autre. Si un Vicaire compare son Curé avec un autre, l’un des deux va souffrir dans sa réputation. Si un mari compare sa femme avec une autre plus jolie qu’elle, on voit tout de suite les sérieux inconvénients qui peuvent s’ensuivre.

Que de critiques, d’impatience, de colères et de chicanes viennent de ces comparaisons horizontales! C’est du naturel tout pur et là le démon règne en maître et c’est pour le malheur de ces "païens". Là n’est pas le plan de Dieu.

St Paul dit que Dieu a créé ce monde pour faire connaître l’autre. Donc remontons toujours des créatures au Créateur et nous aurons les bénédictions du ciel sur nous. Il y a toujours du bon qui sort de ces comparaisons avec Dieu, tandis qu’il n’y en a pas dans les comparaisons horizontales.

Un Curé boude un confrère longtemps parce que l’Évêque avait vanté son voisin devant un groupe de prêtres et ne lui avait pas décerné de louange à lui-même, quand il pensait en mériter plus que l’autre. Comme un païen il s’était comparé à son voisin dans les louanges qu’il n’avait pas reçues et auxquelles il jugeait avoir droit.

Devant la foi il aurait dû comparer ces louanges avec celles que le Père éternel lui donnerait un jour devant toute la cour céleste… et probablement aussi devant ces mêmes prêtres! Au lieu, alors, d’être jaloux, il aurait dû aller le féliciter et lui dire toute la joie que ces louanges de l’Évêque lui avaient causée. En effet, s’il avait pensé à la joie qu’il aurait un jour lui-même au ciel quand Dieu le féliciterait du bien qu’il avait fait comme Curé, et il en aurait d’autant plus de Dieu qu’il n’en recevait pas de son Évêque!… et ils seraient restés bons amis!

Un mari rencontre une femme plus jolie que la sienne qu’il monte droit au ciel dans une comparaison verticale pour comparer cette femme avec la beauté de Dieu et qu’il se dise: Comme Dieu doit être beau lui qui a créé de si charmants échantillons sur la terre! Alors il sera pris du désir d’aller le voir un jour au ciel et il sera content de lui sacrifier cet échantillon pour son amour. Alors au lieu d’arriver de mauvaise humeur à la maison après une comparaison horizontale il arrive tout joyeux en souriant. Si sa femme lui demande la cause de sa joie qu’il lui dise qu’il a eu comme une vision du ciel… sans lui dire en quoi…!

Voici comment agir avec les différentes sortes de personnes que Dieu met sur notre chemin. Chacune doit nous faire penser à quelque perfection divine. Par exemple, je rencontre quelqu’un qui est… doux: qu’on se dise combien meilleur est Dieu dont la bonté est infinie et qu’on en profite pour mieux l’aimer si on aime tant celui qui n’est qu’un échantillon de sa douceur. Un autre est… sévère: qu’on sache bien que Dieu n’est pas que bonté il est aussi justice et qu’il doit punir les pécheurs. Eh bien! que celui qui est sévère nous fasse penser à la justice de Dieu qui le sera encore bien plus si nous ne faisons pas pénitence pour nos péchés. Dieu veut alors qu’on fasse pénitence ou qu’on accepte ces sévérités des autres comme châtiment pour nos propres péchés. C’est autant de pris sur notre purgatoire… Si on vit avec quelqu’un de… taciturne, mystérieux, insondable, qu’on le compare avec les jugements inscrutables de Dieu qui habite dans les ténèbres de la foi pour nous et qui est incompréhensible et impénétrable. Que chacun se retire dans les profondeurs de son âme pour y méditer sur les perfections invisibles de Dieu.

Que les pauvres comparent leurs petites mansardes, non avec les châteaux des riches; ils en concevraient de la jalousie, mais avec les demeures éternelles où Dieu habite et qui seront d’autant plus belles que leurs échantillons étaient plus pauvres. Que les malades ne se comparent pas aux gens en bonne santé, mais aux jouissances célestes qu’ils auront un jour au ciel en proportion qu’ils auront souffert sur la terre pour l’amour de Dieu.

Chaque créature n’est qu’une voix qui crie dans le désert comme St Jean Baptiste: je ne suis rien devant Dieu, je ne fais que lui préparer le chemin. L’échantillon annonce la venue du Créateur. Il veut se donner à nous à la place de son échantillon pourvu que nous ne soyons pas attachés à la créature.

Allons-nous prendre cinquante ans pour apprendre cette leçon? Qu’on n’oublie jamais que tout être n’est là que pour nous manifester quelque chose du Créateur, afin que nous l’aimions plus et que nous le possédions mieux dans le ciel. Toujours selon la verticale: jamais selon l’horizontale! Jamais une créature comparée à une autre créature, mais toujours et partout comparée au Créateur pour aiguiller sur lui toute notre affection. Voilà ce que tous les saints ont fait et en proportion qu’ils l’ont fait ils se sont sanctifiés.

2- Elle empêche l’attache aux créatures, qui est le grand obstacle à l’avancement dans la perfection. À cause du besoin physique que nous avons des choses créées et du plaisir que Dieu a mis en général dans leur usage, nous sommes portés à nous y attacher comme à une fin quand elles ne sont que des moyens pour notre fin dernière. Comme notre cœur est limité, ce qu’il donne aux créatures est autant de pris sur l’amour que nous devons à Dieu.

Dès qu’un mari s’affectionne à une autre femme, son bonheur à la maison est fini; son amour gravite autour de son nouvel "astre" et il fuit la maison. De même dès qu’un chrétien s’attache à un plaisir quelconque même permis, il n’y a plus d’intimité avec Dieu ni consolation dans les choses de Dieu. Voit-on un laïque, un prêtre ou un religieux passer d’une partie de sport à une heure d’adoration devant le S.S.? ou de la lecture d’un roman à celle de la Bible ou d’un livre spirituel? d’un cinéma à la visite d’un malade ou des pauvres?, non, jamais! Jésus nous avertit que nous ne pouvons pas aimer Dieu et le monde. St Jean de la C. dit qu’une simple attache à une créature empêche l’intelligence des choses de Dieu et qu’elle met un mur infranchissable entre l’âme et Dieu.

Eh bien! comment réagir contre ces attraits si forts dans la nature humaine pour les plaisirs créés? C’est de se convaincre que les créatures ne sont que des échantillons des plaisirs divins et que le monde n’est que le catalogue des biens célestes. Alors l’esprit et le cœur suivent cette idée pour désirer de plus en plus les biens du ciel et de s’y affectionner. Les saints étaient de chair et de sang comme nous; dès qu’ils ont compris que les plaisirs terrestres n’étaient que pour nous donner une idée des autres du ciel, ils ont donné tout leur cœur à la poursuite de ces biens éternels et ont méprisé ceux de la terre. Y a-t-il un homme assez insensé pour préférer le portrait d’une fille à la fille elle-même? Dès que les chrétiens comprendront bien cette idée d’échantillon, ils ne seront pas assez fous pour les préférer à Dieu. Il faut absolument trouver un moyen d’aiguiller l’amour des hommes sur Dieu. Le meilleur est de leur montrer que les choses créées ne sont que des portraits de Dieu ou des échantillons. Que tous les chrétiens poussent cette idée dans leur entourage et ils feront un bien immense pour les détacher des échantillons.

3- Elle développe la vie de contemplation, prise dans le sens simple qui consiste à monter des créatures au Créateur par l’effort naturel aidé de la grâce. C’est rêver à l’objet de son amour. C’est être absorbé par cet objet et y orienter toute sa vie. Voici des exemples:

L’avare qui admire ses coffres d’argent, qui jouit d’être riche, contemple! Le gourmet qui jouit d’avance des mets délicieux qu’il va manger, contemple! L’amoureux qui rêve à sa chérie, contemple! Elle consiste donc dans la jouissance qu’on trouve à penser à l’objet de son amour.

La grande difficulté est qu’on n’éprouve pas cet attrait naturel pour les choses de la foi. Il faut y arriver à force de raisonnement et de prière. C’est en passant souvent des échantillons aux perfections divines correspondantes que l’esprit viendra à s’y fixer de plus en plus et que le cœur suivra sûrement avec le temps et la grâce.

C’est ainsi que les hommes se passionnent pour un jeu quelconque. Les premières fois, ils l’aiment plus ou moins, mais à mesure qu’ils le mettent devant l’esprit et qu’ils s’y exercent, ils viennent à s’y passionner pour tout de bon. Qu’on fasse de même ainsi pour les choses de Dieu et l’on viendra à les préférer aux autres choses de la terre.

C’est aux prêtres et aux religieux à enseigner ce passage des choses créées au Créateur. Mais qu’ils montrent bien la différence entre l’attrait sensible pour les créatures et l’absence de cette affection sensible pour les choses de Dieu.

Dans la contemplation il n’y a que nos facultés spirituelles qui agissent; alors il faut nous conformer à leur nature. Je sais que le plaisir céleste est meilleur que le plaisir sensible et je le veux! C’est tout ce que je puis faire; c’est ma part et ensuite Dieu fera la sienne comme il voudra. Il n’y a rien là pour les sens; c’est absolument sec! Mais les actes de l’âme spirituelle sont aussi bien les miens que les actes de mes sens du corps matériel. Si on annonçait à un homme qu’il est devenu l’héritier d’un château en Europe qui vaut des millions; est-ce que cet homme resterait indifférent parce que ce château n’agit pas sur ses sens? Il sait qu’il est à lui et il le voudrait certainement. Agissons de la sorte pour les choses de Dieu.

Ceux qui font ce travail tant soit peu se dégagent vite de la vie agitée du monde. Ils affectionnent la solitude, le silence des bois et de la campagne pour mieux rêver aux choses invisibles du ciel. Ils aiment à visiter les églises où ils peuvent se remplir des choses de Dieu. C’est la meilleure préparation à la prière. Quand l’esprit est plein des choses célestes on les veut de tout cœur et comme on sent son absolue incapacité de se les donner, on les demande à Dieu dans les prières.

4- Elle explique le fiasco de l’effort spirituel fait surtout de volonté. À mon avis on travaille trop sur la volonté et pas assez sur l’intelligence. C’est un principe de philosophie élémentaire que la volonté prend son objet dans l’intelligence. Si donc l’on veut que les chrétiens estiment plus les choses de Dieu que celles de la terre, mettons-leur les choses divines dans l’esprit et alors la volonté les voudra.

Trop de prêtres se contentent de dire aux gens d’être purs, d’être sobres, doux, etc. Si leurs pensées sont aux choses de la terre, ils les voudront passionnément. Eh bien! je ne connais pas d’autre idée pour les aiguiller sur les choses de Dieu que celle qui leur montre les plaisirs de la terre comme de simples échantillons de ceux du ciel.

Plusieurs prêtres disent que nos gens n’ont pas de volonté. Ce n’est jamais ce qui manque! Les enfants ne veulent pas étudier… et ils n’étudient pas! c’est de la volonté! Ils veulent jouer et ils jouent! C’est de la volonté! Les jeunes filles aiment les toilettes et elles en ont, riches ou pauvres… c’est de la volonté! Malgré leur mère qui dispute, elles veulent sortir et elles sortent: c’est de la volonté! Les gens ne sont pas dévots et ne viennent pas aux offices religieux malgré toutes nos exhortations, c’est de la volonté! Quelle rage pour les plaisirs de la terre partout! C’est de la volonté!

Ils ont l’esprit et le cœur pleins des échantillons et ils vivent pour eux! Ils n’ont pas de volonté pour les choses spirituelles parce que ces choses ne sont pas dans leur esprit ni dans leur cœur. Qu’on cesse donc de s’adresser à la volonté mais qu’on s’adresse à l’intelligence pour la remplir des choses célestes, des biens du ciel à l’aide des échantillons, des comparaisons selon la verticale, alors on verra un réel changement dans ceux qui le pratiqueront. Que tous ceux qui veulent améliorer la vie religieuse des fidèles s’appliquent à inculquer cette idée si efficace pour détacher du monde et attacher à Dieu.

5- Elle explique la raison des tentations. Elles ne sont pas des pièges que Dieu nous tend pour nous faire tomber, mais des occasions de faire des actes d’amour de préférence en faveur de Dieu. C’est comme si Dieu nous demandait: M’aimez-vous plus que cet échantillon? Dans Deut. 13-3, Dieu dit aux Juifs: "Le Seigneur votre Dieu vous tente afin que l’on connaisse si vous l’aimez ou non, de tout votre cœur, de toute votre âme."

Sa gloire exige que nous le préférions à quelque chose de bon et d’aimable. Plus on paie cher un article et plus on l’estime. Eh bien! plus un échantillon est précieux et plus j’estime Dieu quand je sacrifie l’échantillon pour l’amour de Dieu. Voilà pourquoi Dieu nous donne du goût pour une chose puis nous demande si nous l’aimons plus qu’elle. Les tentations sont donc nécessaires pour nous donner des chances de montrer notre amour pour Dieu.

Que de bonnes âmes ne voudraient pas être tentées ou essaient de chasser la tentation. C’est mieux que d’y succomber. Mais il y a encore mieux, c’est de s’en servir comme nous venons de l’expliquer en prenant là une occasion de faire des actes d’amour de Dieu. On se trouve à chasser la tentation et on a en plus des actes d’amour de Dieu.

Quand Jésus demanda à Pierre s’il l’aimait plus que les autres, aurait-il satisfait Jésus en se bouchant les oreilles pour ne pas entendre la question ou en se sauvant loin de Jésus? Jésus voulait un acte positif d’amour. Il ne faut pas s’énerver et tranquillement, sachant que c’est une tentation, on répond à Dieu par un acte de préférence sur l’échantillon et Dieu est parfaitement content.

Lorsqu’on achète un article on pèse son argent pour ainsi dire: on compare l’article avec l’argent qu’on demande. On peut faire de même dans les tentations: froidement, en autant qu’on le peut, mesurer le plaisir qu’on va sacrifier avec le plaisir céleste qu’on peut acheter avec cet échantillon. Évidemment il ne faut pas prendre trop de temps à contempler l’échantillon, mais on passe rapidement à ce qu’il m’offre au ciel par analogie. Dès qu’on voit la grandeur de la jouissance qu’on perd, on peut dire à Dieu: Vous me coûtez cher aujourd’hui! L’âme y trouvera une grande consolation en disant cela à Dieu.

Comme un Novice qui vient de quitter ses parents tendrement aimés et qui sent son cœur défaillir dans l’extrême ennui qu’il éprouve pour eux les premiers jours, peut dire à Dieu à travers ses larmes: Mon Dieu vous voyez comme je vous aime pour vous préférer à mes parents que j’aime tant! Et il est heureux de faire ce sacrifice pour Dieu. Pourquoi ne pas agir de la sorte dans le sacrifice que toute tentation demande pour y résister? Aussi souvent qu’elle revient on répète ces actes d’amour.

Quand Jésus demanda à Pierre s’il l’aimait plus que les autres, il répéta sa question trois fois, évidemment pour lui faire expier ses trois reniements. Or que de péchés dans notre vie! Ne soyons donc pas surpris si Dieu nous donne beaucoup d’occasions de réparer nos nombreuses préférences des échantillons sur Dieu.

La troisième fois St Pierre répond comme s’il disait: Je ne puis pas aller plus loin; je vous ai dit que je vous aimais plus et je suis sérieux… comme en voulant dire: ne me demandez plus cette question. De fait, Jésus le laissa tranquille. Eh bien! faisons de même. Soyons bien catégoriques et bien tranchés quand la tentation se répète souvent. Mobilisons toutes nos forces et disons-lui du fond du cœur et avec toute l’énergie possible: Mon Dieu je vous préfère et je vous préférerai toujours à cet échantillon; c’est assez je ne puis faire plus! Dieu vous laissera tranquille… pour quelque temps au moins…

Signalons une mauvaise attitude mentale par rapport aux tentations dans les choses défendues: Les gens les regardent, les approchent et se disent: Si ce n’était pas défendu, je me contenterais! Ce n’est pas comprendre le plan de Dieu. Ce n’est pas parce qu’un échantillon est défendu qu’on doit lui préférer Dieu, mais simplement parce qu’il n’est qu’un échantillon! Ces gens n’ont pas grand amour de Dieu puisqu’ils préfèrent les échantillons permis à Dieu même.

Que penserait une épouse de son mari qui repousserait seulement les mauvaises filles, mais aimerait celles qui sont bonnes? La question de la bonté ou de la méchanceté de sa rivale n’entre pas du tout dans sa jalousie légitime. Ce n’est donc pas une question de permis ou de défendu: c’est une question d’échantillon ou de Dieu. Il faut préférer Dieu à tous ses échantillons sans exception et quelque bons qu’ils soient.

Il faut donc regarder les tentations comme un bienfait de Dieu qui donne à ses amis des chances de le préférer à ses échantillons. Ce qu’il dit à Tobie, s’applique à nous tous. "Parce que tu étais agréable à Dieu, la tentation devait t’éprouver." Combien pensent que Dieu les a abandonnés quand ils sont tentés. C’est tout le contraire; c’est parce qu’il veut leur donner plus d’amour divin. Quand on aime Dieu on ne s’impatiente pas dans les tentations.

Voici un exemple: Mon ami Baptiste est amouraché d’une fille qui se trouve éloignée pour le moment. Supposons que je lui montre le portrait de cette fille souvent, va-t-il se fâcher et dire: laisse-moi tranquille avec cette fille? Pas du tout. Il va être content que je lui fasse penser si souvent à celle qu’il aime tant. C’est exactement ce que Dieu fait avec nous. Il nous montre un de ses portraits dans un échantillon quelconque et nous demande: que penses-tu de ton Dieu? Je dois être très content d’avoir l’occasion de lui répéter que je l’aime plus que cet échantillon. Restons donc bien calmes dans les tentations et agissons selon les intentions de Dieu qui nous les envoie. Cet esprit de foi et d’amour fera plus pour nous accorder la victoire que nos disputes contre les tentations.

Les tentations d’impureté méritent une mention spéciale à cause de leur plus grande difficulté et certaines idées erronées à leur sujet. De tout temps les hérétiques ont voulu rabaisser le mariage en le discréditant. Du temps des Apôtres même les Nicolaïtes l’attribuaient au démon; de même les Albigeois les Manichéens, etc. C’est donc que cette idée fait l’affaire du diable. De fait il a réussi à faire regarder le mariage plus ou moins comme une honte pour le genre humain.

Le mariage vient de Dieu directement même avant le péché originel. Dieu dit à Adam et Ève encore innocents: Croissez et multipliez-vous. Jésus n’en aurait pas fait un sacrement s’il y avait quelque chose de honteux là. Pie X n’aurait pas recommandé la communion quotidienne aux gens mariés comme aux autres si cet état était plus ou moins honteux devant Dieu. Dans la bénédiction nuptiale il est dit que Dieu a établi l’acte du mariage comme un échantillon de l’union de l’âme avec Dieu. C’est aux noces de Cana que Jésus a fait son premier miracle et enfin, St Paul dit, Héb. 13-4: "Qu’en toutes choses le mariage soit traité avec grand respect." Tout le Cantique des Cantiques est une analogie de l’union de l’âme avec Dieu comme l’union des époux. Est-ce que les saints n’ont pas parlé de Jésus comme de leur époux? Ils ont compris l’amour de Dieu en fonction de l’amour entre époux… et c’est le meilleur exemple de l’amour exclusif que nous devons avoir pour Dieu.

St Jean de la C. Cant. spir. st. 22, écrit: "D’après les lois du mariage ordinaire, les époux sont deux dans une même chair selon les paroles des Saints Livres, Mt. 19-5; ainsi quand le mariage spirituel entre Dieu et l’âme est consommé, ce sont deux natures réunies dans un seul esprit et un seul et même amour."

Revenons maintenant aux tentations contre la chair. Comme Dieu donne du blé à un cultivateur quand il veut lui donner une récolte, ainsi quand il veut donner au chrétien plus d’amour divin, il lui donne de l’amour humain. Plus il crée des gens affectueux et plus c’est un signe qu’il veut en faire de grands saints. Or l’amour humain tend naturellement au mariage; voilà pourquoi tous les affectueux sont portés aux tentations de la chair. Au lieu de se regarder pour cela comme viles et indignes de servir Dieu selon les fausses idées sur le mariage si courantes partout, ils devraient conclure justement le contraire et dire: Mon Dieu, vous m’avez donné un grand cœur capable d’un amour immense, vous seul pouvez le satisfaire; je me donne à vous et veux vous aimer comme on peut le faire sur terre; je vais donc aiguiller sur vous toute ma puissance d’aimer! Au lieu de donner mon cœur aux créatures, je vous le donne avec toute son ardeur d’aimer! Comme c’est de nature à nous encourager et fortifier!

Ces idées indiquent la conduite du confesseur à l’égard des grands pécheurs contre la pureté. Au lieu de les rudoyer et de les disputer comme tant le font, c’est tout le contraire qu’il faut faire. Ce sont des affectueux qui marchent par l’amour, prenons-les par l’amour! Disons-leur que puisque Dieu leur a donné une grande capacité d’aimer, ils doivent la tourner vers Dieu seul pour devenir des Saints et on leur explique l’idée des échantillons, surtout au point de vue du mariage, que si Dieu a mis tant de jouissance là, il est capable d’en mettre encore bien plus dans l’union de l’âme avec lui-même. On les a vus éclater en sanglots en disant qu’on ne leur avait jamais parlé de cette possibilité d’aimer Dieu tout en étant si passionnés.

Que de religieuses, de religieux et de prêtres mêmes sont abattus et se découragent parce qu’ils sont fortement tentés, se croyant incapables d’aimer et de bien servir Dieu! Avec ces idées, ils sont transformés et encouragés et se mettent sérieusement à mieux servir Dieu au milieu des tentations, au lieu de penser à retourner dans le monde.


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