"Il est de la plus haute importance que l'âme s'exerce beaucoup à l'AMOUR, afin que, se consommant rapidement, elle ne s'arrête guère ici-bas, mais arrive promptement à voir son Dieu face à face." (S. Jean de la Croix)

MES RETRAITES

Avis aux lecteurs...

Première Série des Retraites

du Père Onésime LACOUTURE, s.j.

Doctrine surnaturelle

pour se défaire de toute mentalité païenne.


Douzième Instruction

Troisième Partie : Des exemples




Non seulement Dieu nous enseigne la doctrine de la folie de la croix dans l’Écriture et par J-C., il la met sous nos yeux dans l’ordre de la nature. Cependant les hommes sont tellement aveuglés par la vie matérielle et sensible qu’ils n’ont rien vu de ce que Dieu voulait leur faire comprendre. J-C. nous a indiqué un bon nombre d’exemples et en l’imitant on peut en signaler encore beaucoup d’autres. Espérons que cette étude finira par convaincre les plus fermés à la doctrine de la folie de la croix écrite même dans les êtres inanimés ou irraisonnables.

Le grain de blé. Je. 12-23. En parlant de sa mort Jésus dit: "L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié (drôle de façon d’être glorifié!) En vérité, en vérité je vous le dis: si le grain de blé tombé en terre ne meurt point, il reste stérile; mais s’il meurt, il portera beaucoup de fruits. Celui qui aime sa vie la perdra, mais celui qui hait sa vie en ce monde la conserve pour la vie éternelle."

C’est un exemple extrêmement important pour nous tous. Car si Jésus a dû prendre le chemin du grain de blé pour arriver au ciel, nous devons tous le suivre puisque nous sommes les membres de son corps mystique. Le disciple doit suivre son Maître. Il ne parle pas seulement de la mort réelle, mais aussi de la mort mystique ou morale par le renoncement et la mortification, selon aussi cette parole de St Paul, que nous devons mourir tous les jours à nous-mêmes. Ce qu’il dit de la vie s’applique à toute l’activité qui constitue la vie.

Montrons d’abord que semer est fou pour l’homme. Supposons que je veux plus d’argent et voilà qu’on me donne un dollar. Je le prends et je le jette en disant: ce n’est pas assez, j’en veux plus. Un autre me donne cinq dollars et je fais de même. Est-ce qu’on ne dirait pas que je suis fou de jeter mon argent quand j’en veux plus? Quand on veut plus d’une chose, on la garde et l’on ajoute, on additionne.

Eh bien! c’est justement cette folie que Dieu fait faire à nos cultivateurs… et ils comprennent si peu les voies de Dieu qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils font une sottise en semant pour récolter. Ils enterrent leur blé pour le faire pourrir et mourir en terre; ce n’est sûrement pas selon le bon sens humain que de diminuer pour augmenter, d’enterrer pour faire pousser et de tuer pour faire vivre. Il n’y a que Dieu pour faire sortir des grains de blé vivants d’un grain de blé mort. Par ce moyen Dieu est sûr d’avoir sa gloire. Les hommes ne pourraient jamais faire cela; ils doivent donc en attribuer toute la gloire à Dieu. Dieu a mis cet exemple des grains, connu de tous les hommes, afin de leur montrer sa façon de faire les choses pour avoir toute sa gloire. Il fait tout le contraire du bon sens humain pour obliger les hommes à dire: c’est Dieu seul qui a fait cela.

Voici une différence. Pour les grains, Dieu les multiplie pour les païens, pour les pécheurs comme pour les chrétiens et pour les saints, afin que tous sachent sa manière de faire. Mais dans les autres choses il cache son jeu pour ainsi dire afin d’enrichir seulement ceux qui ont la foi et qui lui donneront sa gloire. Quand je donne une piastre à un pauvre, je ne sais pas ni de qui ni quand va me venir la récolte. Mais elle est aussi sûre que pour le grain de blé; Dieu le dit.

St Paul applique l’idée du grain de blé aux quêtes qu’il faisait dans les églises pour les pauvres. "Car je vous le dis que celui qui sème peu moissonnera peu et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment." Si on peut le dire de l’argent, on peut donc aussi le dire de toutes choses, puisqu’on se procure tout avec l’argent. C’est donc une doctrine bien générale que tous les chrétiens devraient connaître et pratiquer dans toute leur vie. Pour l’amour du bon Dieu, que les prêtres l’expliquent donc aux fidèles; il n’y a rien de plus utile au monde que cette sagesse divine pour multiplier ses biens. Le monde se meurt de pauvreté parce que les gens ne savent pas semer les biens que Dieu leur donne pour cette fin. Ils gardent tout pour eux-mêmes; ils empochent tout; voilà pourquoi ils n’ont pas de récoltes. Qu’on le dise que c’est la façon de faire du bon Dieu pour nous enrichir en toutes sortes de biens, comme le dit St Paul dans sa deuxième épître aux Cor. ch. 8 et 9.

Les prêtres aiment à prendre cette doctrine seulement pour grossir leurs quêtes. C’est trop intéressé. Ils sont païens de restreindre à leurs quêtes cette belle doctrine si générale dans l’Écriture! Qu’ils disent aux fidèles aussi qu’ils doivent semer leurs petites cigarettes, leurs gros cigares, leur petit coup, leurs parties favorites et leur passion pour les amusements qui les captivent comme des païens. Comme plusieurs seraient gênés de demander ces sacrifices quand ils ne sont pas assez courageux pour les faire eux-mêmes! C’est un des meilleurs exemples pour faire entrer dans l’esprit la doctrine de la folie de la croix. Dieu demandera un compte sévère aux prêtres qui n’expliquent jamais cette doctrine si importante dans notre religion. Puisque Jésus dit qu’il doit prendre le chemin du grain de blé pour arriver au ciel, c’est donc que nous tous nous devons aussi prendre ce chemin et dans tous les détails de la vie comme à l’heure de la mort réelle. Que les prêtres s’y mettent tout de suite et partout et toujours!

La vigne. Je. 15. "Je suis la vigne et mon Père est le vigneron. Il retranchera toutes les branches qui ne portent pas de fruit en moi et il émondera toutes celles qui portent du fruit afin qu’elles en portent plus."

Encore une opération insensée selon la sagesse des hommes. Diminuer une vigne pour qu’elle porte plus de fruits, qui aurait jamais inventé pareil moyen pour augmenter son rendement? Pas un homme au monde! Or Dieu nous oblige à le faire pour avoir du raisin en plus grande quantité et du plus beau. Les hommes le font sans songer à la leçon que Dieu veut leur donner pour le salut de leur âme et même pour leur bonheur en ce monde.

Or ce qu’ils font aux vignes, ils devraient le faire en tout. Dieu est infiniment simple et il trouve tout de suite le meilleur moyen pour obtenir une fin et il s’en sert toujours. Ainsi ce qu’il fait à la vigne il le fera en toutes choses en proportion qu’il veut multiplier cette chose. Ce sera toujours par le sacrifice d’une façon ou d’une autre qu’il l’augmentera. Qu’on ne prenne pas un siècle pour apprendre cette leçon de sagesse divine afin d’avoir sa gloire en tout ce qu’elle fait pour les hommes.

On voit pourquoi le bon Dieu taille tant dans tout ce qui est humain: c’est pour donner du divin. En proportion qu’il émonde l’activité du païen en nous, il nous communiquera son activité divine à la place. Nous ne perdons rien dans l’échange, mais nous gagnons les éternelles joies du paradis dans la même mesure. Cessons donc de nous plaindre quand Dieu nous enlève quelque chose de naturel. C’est pour nous donner du surnaturel qui durera éternellement au ciel.

Les hommes ont tellement la tête dure en cette matière qu’il est bon de donner des exemples.

Supposons qu’un Vicaire arrive dans une paroisse avec toute la ferveur de son séminaire; il donne de bons sermons, il visite les gens et se fait des amis partout, les Enfants de Marie en raffolent, les jeunes le recherchent. Au presbytère, les gens ne veulent pas du Curé, c’est le Vicaire qu’ils veulent, qu’ils demandent. Enfin, il prend beaucoup. Dieu va donc l’émonder pour qu’il porte encore plus de fruits.

Il a bien des façons de le faire pour l’arrêter dans son bel apostolat. Il peut lui envoyer une forte maladie, une infirmité, un changement de paroisse, etc. D’ordinaire Dieu prend son supérieur pour l’émonder sur place. Dieu va laisser le Curé concevoir de la jalousie pour lui donner le courage d’entreprendre son vicaire. C’est facile. Il y a tant de gens qui vantent les sermons du vicaire à son curé, qui lui disent qu’ils n’ont jamais entendu de beaux sermons comme ceux du vicaire depuis vingt ans… que le curé est là! qu’ils n’ont pas connu de prêtres aussi zélés que le vicaire, etc. Ces compliments à l’adresse du vicaire sont assez indigestes pour le curé. Finalement il en a assez. Et pour qu’il ne perde pas son mérite, il s’arme de quelque bon motif et voilà qu’il taille dans l’activité du vicaire! Il est trop jeune pour être chargé des Enfants de Marie, il s’en charge lui-même. Il n’est pas assez expérimenté pour avoir la direction des Dames de Ste Anne ni celle des hommes. Il ne le laisse plus prêcher qu’aux grandes fêtes de l’année; il dispute quand il va dans les familles et l’avertit que c’est dangereux pour un jeune prêtre et qu’il ne veut plus qu’il y aille, etc. Il lui conseille de repasser sa théologie et de lire la vie des saints!

Si le vicaire est catholique, s’il a été formé à la folie de la croix, il se taira et en profitera pour se livrer davantage à la vie contemplative et à l’étude de la spiritualité. Où est-il celui-là qui ne protestera pas contre la façon d’agir de son curé? Ordinairement que de jérémiades on entend de ces inférieurs païens qui ne connaissent rien aux voies de Dieu et qui regardent comme un mal souverain ce qui est la plus grande grâce que Dieu puisse leur envoyer. Jésus ne dit pas que c’est tel curé qui émonde, mais son Père céleste. Le vicaire devrait donc se soumettre à cette action divine de son Père du ciel. Il devrait le remercier de lui donner le moyen de continuer et d’augmenter considérablement les fruits spirituels qu’il produit actuellement.

Que les jeunes sachent maintenant pourquoi Dieu leur donne de si beaux projets de zèle, de si brillantes réformes à exécuter et tant de bien à faire. C’est de la semence pour des fruits spirituels plus tard après qu’ils auront semé ces beaux projets d’avenir. C’est pourquoi Dieu leur donnera des supérieurs traditionalistes, conservateurs enragés, qui ne prennent aucune bonne idée qui ne vient pas d’eux-mêmes.

On voit combien ces jeunes vicaires vont avoir à souffrir s’ils ignorent la doctrine de la folie de la croix, comme ils l’ignorent tous en général. Leurs professeurs philosophes ne la leur ont jamais expliquée et où sont les curés qui pourraient la donner à leurs vicaires en appliquant leur émondage? Que de mauvais sang les jeunes vont faire avec ces vieux "arriérés", avec ces vieux "imbéciles", comme ils disent!

Tout ce que nous venons de dire des curés et des vicaires s’applique aux religieux évidemment comme aussi aux gens du monde. Que d’enfants critiquent leurs parents qui leur font obstacle dans leur vie de païens! Tout cela serait évité si les parents avaient appris cette doctrine des prêtres. Que tous les chrétiens s’attendent à avoir des bâtons dans les roues pour tout le bien qu’ils veulent accomplir! Qu’on se le dise dans toutes les familles chrétiennes! qu’on le prêche dans toutes les églises et qu’on l’enseigne dans toutes les communautés, le plan de Dieu pour nous enrichir en ce monde et en l’autre est dans la folie de la croix! C’est notre bien en ce monde et en l’autre; c’est la volonté de Dieu, c’est la gloire de Dieu. Ce devrait être assez pour n’importe quel chrétien!

La racine est un bel exemple de la vie surnaturelle que la grâce donne. Elle est un bon échantillon de la vertu d’humilité que tout chrétien doit pratiquer pour plaire à Dieu; comment il doit s’effacer devant le divin qui vient habiter en lui. La racine travaille sous terre invisible aux yeux des hommes et puisant dans l’ombre les sucs vivifiants de l’arbre qui portera des fruits qu’elle ne verra jamais; elle ne sait même pas si l’arbre en portera ou non. Si elle osait se montrer au grand air, elle mourrait, on la piétinerait et on l’arracherait. Personne ne pense à elle, ne s’occupe d’elle, jamais on ne la remercie pour les bons fruits que l’arbre a produits grâce à elle.

Une racine vit du fumier qu’on jette sur elle; c’est symbolique de la vie intérieure qui s’enrichit du mépris du monde, qui croît par les humiliations et les persécutions, les peines intérieures et l’humilité. Vivre de toutes choses désagréables est tout à fait normal pour un chrétien qui veut être transformé en être divin. Il faut que le vieil homme dépérisse pour que le nouvel homme croisse. Voilà ce que les saints avaient compris par la foi. Les dons du St Esprit les faisaient pénétrer leur néant et même leur méchanceté devant Dieu et comme la racine ils s’enfonçaient le plus possible sous terre!

Avis à ceux qui aiment à se produire au grand jour: ils cessent d’être racines et par le fait même ils cessent de faire du bien surnaturel. Ce n’est pas l’union avec les créatures qui sanctifie, mais l’union avec Dieu. Or cette union se fait dans l’ombre, le silence et l’oubli du monde.

Toutes sortes de vers et de chenilles qui s’enferment dans leurs cocons et passent comme par une mort temporaire. C’est pendant ce temps qu’ils se forment des ailes pour devenir papillons et mener une vie bien supérieure à leur première vie. Au lieu de se traîner par terre, ils volent dans les airs avec leurs belles ailes colorées, se nourrissent du nectar des fleurs et c’est alors qu’ils travaillent pour s’éterniser.

Voilà des échantillons de ce que Dieu veut faire avec ses païens tout aux choses des sens et de la terre. Quand il leur donne sa vie divine, Dieu met tout en œuvre pour les paralyser dans leur vie animale, il les émonde de toutes façons et s’ils se laissent faire en restant bien tranquilles, c’est alors qu’il leur pousse des ailes spirituelles pour voltiger dans les régions du divin par la vie contemplative qui se développe en proportion qu’ils sont morts à la vie des sens et de la terre. C’est une fois dans ce monde divin qu’ils soupirent après l’union avec Dieu afin de s’éterniser dans les plaines du paradis pour jouir de leur amour divin éternellement.

Que les chrétiens se laissent donc emprisonner par Dieu dans leurs "cocons" par toutes sortes de restrictions, d’entraves et de privations qui les immobilisent pratiquement. Ce temps est le plus précieux de la vie car c’est alors que s’élabore la vie surnaturelle divine et éternelle.

Que les pauvres, les malades et les infirmes qui se trouvent paralysés dans leur activité sachent que, s’ils acceptent en esprit de foi et le calme de la résignation à Dieu, qu’ils seront riches, heureux et libres un jour dans le paradis éternel où ils planeront dans une félicité éternelle. Que les enfants, les inférieurs et les serviteurs prennent leur sort dans le même esprit, ils béniront Dieu éternellement au ciel de les avoir émondés de la sorte.

Avis à ceux qui regimbent et qui se débattent contre ces entraves; ils déchirent leur cocon et empêchent leur nouvelle vie de se développer et s’attirent encore plus d’épreuves en proportion que Dieu veut les transformer en êtres divins. Malheur à eux si Dieu les abandonne à leur vieille vie de païen; ils seront bien loin de lui dans l’éternité puisqu’ils n’ont pas voulu de sa vie divine.

L’argent est un exemple de semence donné par la Bible en plusieurs endroits, pour montrer qu’on peut le récolter comme du blé! Au lieu de le jeter en terre, on n’a qu’à le semer dans la main des pauvres. Comme il n’est qu’un substitut pour les biens de ce monde il est évident que la doctrine de la folie de la croix s’applique à lui aussi.

Malachie, 3, a un beau texte: "C’est parce que moi, Yahveh, je ne change pas que vous, les enfants de Jacob, n’avez pas été consumés. Depuis les jours de vos pères, vous vous êtes écartés de mes ordonnances et vous ne les avez pas observées. Revenez à moi et je reviendrai à vous, dit Yahveh des armées… et vous dites: en quoi reviendrons-nous? Un homme oserait-il frauder Dieu, que vous me fraudiez? et vous dites: en quoi t’avons-nous fraudé? Dans la dîme et la part à prélever. Vous êtes frappés de malédiction, vous, et moi, vous me fraudez, toute la nation!" "Apportez toute la dîme au temple et qu’il y ait des vivres dans ma maison. Mettez-moi donc à l’épreuve en ceci, dit Yahveh des armées; si je n’ouvre pas pour vous les écluses des cieux et si je ne répands pas sur vous la bénédiction jusqu’à surabondance. Pour vous je chasserai l’insecte qui dévore, il ne vous détruira plus les fruits du sol et la vigne ne sera plus stérile pour vous dans la campagne, dit Yahveh des armées. Toutes les nations vous diront heureux, car vous serez un pays de délices, dit Yahveh des armées."

Dieu avait donc envoyé tous ces fléaux parce que les Juifs avaient cessé de "semer" leur dîme que Dieu demandait depuis deux mille ans et que les Apôtres continueront de demander. Dieu veut donc le sacrifice même des choses permises. Si nos philosophes pouvaient arriver à comprendre! Dieu châtie le monde parce qu’il garde la jouissance de toutes les choses permises et où sont les prêtres qui en exigent le sacrifice?

Les prêtres Juifs se contentaient de faire éviter les gros péchés mortels comme nos prêtres font de nos jours et Dieu les a éprouvés par toutes sortes de malédictions. Est-ce que nous ne voyons pas ces mêmes fléaux de nos jours? Comme les cultivateurs ont de la misère dans leurs récoltes! Que d’insectes ravagent leurs produits! Que de maladies dans les pommes de terre! dans le maïs, dans les arbres même, etc. C’est donc que les hommes ne font pas assez grande la part de Dieu!

Quelques faits. À Lavigne, Ontario, une épidémie de chenilles se répand, mangeant une belle récolte de blé. Le Curé H. Bourassa, fait une procession dans la paroisse, le dimanche après le dîner, et à quatre heures on vient lui dire que toutes les chenilles sont mortes sur place! Au lac Édouard, encore une épidémie de chenilles. L’aumônier du Sana. des tuberculeux, ne pouvant demander un jeûne au pain et à l’eau à ces malades, leur demande de jeûner en paroles, de garder le silence pendant une journée, de ne pas manger de chocolat, ni se farder et prier le plus possible. Le lendemain on vient dire à M. l’Abbé Dumont que toutes les chenilles s’en vont droit au lac et se noient là!

À Joliette, dans la paroisse du S.C., il y avait deux maisons louches. Le curé, le père Lorenzo Gauthier, qui avait fait la retraite, fait une neuvaine d’action de grâces pour cette plaie dans sa paroisse et demande une journée au pain et à l’eau et les Pères font de même au presbytère! Le lendemain une des maisons brûle quand les gens sortent de la messe du matin et l’autre famille s’en va ailleurs!

Plus tard je rencontre le curé de cette paroisse qui se plaint de ce que le Père Gauthier n’avait pas gardé cette mauvaise famille. Je lui dis: N’avez-vous pas aussi du pain et de l’eau? Faites un jeûne et vous la chasserez aussi.

Un Vicaire, M. Trépanier de Montmorency, m’entendant raconter ce fait à une retraite sacerdotale, fit un triduum dans sa paroisse et demande un jeûne au pain et à l’eau pour débarrasser la paroisse de deux de ces maisons et un des propriétaires mourut subitement et l’autre eut si peur qu’il s’en alla.

Eh bien! est-ce que ce ne serait pas mieux de jeûner avant d’être affligé par Dieu? Que de fléaux on éviterait si on faisait un usage plus fréquent du jeûne au pain et à l’eau! Qu’on l’essaie pour obtenir toutes sortes de faveurs, c’est merveilleux! Les Apôtres et les premiers chrétiens le faisaient très souvent.

De nos jours, quand les prêtres se réunissent pour délibérer sur les moyens à prendre pour améliorer le monde, ils commencent par un banquet et finissent par un autre! Aussi comme le St Esprit se tient loin de ces réunions de plaisir! Comme le résultat est mince!

Actes, 4-32: "La multitude des fidèles n’avait qu’un cœur et qu’une âme; nul n’appelait sien ce qu’il possédait, mais tout était commun entre eux… il n’y avait parmi eux aucun indigent; tous ceux qui possédaient des terres ou des maisons les vendaient et en apportaient le prix aux Apôtres; on le distribuait ensuite à chacun selon ses besoins." Au ch. 6, il est dit que les aumônes devinrent si nombreuses que les Apôtres instituèrent des diacres pour faire la distribution aux pauvres. Les Apôtres ne prêchaient donc pas seulement le sacrifice des choses défendues, comme nos prêtres de nos jours. Dès qu’un prêtre ose demander le sacrifice d’une chose permise, tout le clergé crie à l’exagération. S’ils avaient la doctrine des Apôtres sur la folie de la croix ils ne seraient pas scandalisés par cette prédication catholique.

St Paul, Gal. 2-10, écrit que lorsqu’il alla à Jérusalem pour confronter sa doctrine avec celle des Apôtres, ceux-ci l’approuvèrent et ils lui recommandèrent de faire des quêtes pour les pauvres. "Ce que j’ai eu bien soin de faire!" Ce que tant de prêtres regardent comme un devoir odieux et que les fidèles détestent tant fut une des premières choses recommandées aux Apôtres par le St Esprit et une que les Apôtres prêchèrent avec force et persévérance.

En recommandant ces quêtes, St Paul pense au grain de blé. Je vous le dis: Celui qui sème peu moissonnera peu, mais celui qui sème beaucoup récoltera abondamment. Que chacun donne comme il l’a résolu dans son cœur, non avec regret ou avec contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie. Il est puissant pour vous combler de toutes sortes de grâces afin que, ayant toujours en toutes choses, de quoi satisfaire à tous vos besoins, il vous en reste encore abondamment pour toute espèce de bonnes œuvres, selon qu’il est écrit: Avec largesse il a donné aux pauvres, sa justice subsiste à jamais."

Que de prêtres ont remarqué ce beau texte pour augmenter leurs quêtes! Combien peu en ont pris l’esprit, pour demander des sacrifices en toutes choses et pour prêcher la folie de la croix partout et toujours. Qu’ils ne parlent pas seulement de l’argent, mais aussi des choses de toutes sortes où les hommes mettent leur bonheur sottement, comme de fumer, de suivre les sports, de courir les cinémas, de lire des romans, des magazines, les images comiques, etc.! Que les prêtres mentionnent dans le détail toutes ces attaches aux bonnes choses en soi et que Dieu déteste souverainement.

Ces textes montrent que Dieu multiplie les biens de ce monde en proportion qu’on les sème et que nous récolterons les biens surnaturels dans la mesure que nous semons les biens de la terre. Jésus le promet clairement et au sujet de toutes les choses les plus permises et les plus légitimes. "Celui qui abandonne son père, sa mère, ses frères, ses sœurs et tout ce qu’il avait en ce monde aura le centuple en cette vie et la gloire éternelle en l’autre."

Voilà la doctrine essentielle du plan divin pour nous enrichir en cette vie et en l’autre et que tous les prêtres devraient prêcher à satiété aux fidèles. Qu’ils nous laissent donc la paix avec le péché et avec leur demi-vérité d’éviter les choses défendues, pour prêcher cette règle positive de sagesse divine et de force divine qui ferait disparaître bien vite tout péché! Quel aveuglement que d’attaquer le péché et de laisser aux fidèles l’amour des choses permises qui va les conduire inévitablement au péché! Sous prétexte que ce n’est pas péché en soi les prêtres laissent les chrétiens s’amouracher de leurs grains de blé, qui sont toutes les jouissances de ce monde, permises comme défendues. Quand ce n’est pas péché de jouir de son grain de blé permis, on n’a pas de récolte ni en ce monde ni en l’autre. Avec la mentalité païenne de la plupart de nos chrétiens, bien peu peuvent avoir le mérite possible en offrant une jouissance à Dieu. St Jean de la Croix dit qu’on n’a pas de mérite à offrir une chose pour laquelle on a une attache. Combien de nos fidèles sont dans ce cas?

Les forces physiques se perdent quand on veut les ménager et s’augmentent quand on les dépense; c’est le principe de tout entraînement. Avis aux grandes dames si souvent malades parce qu’elles ne prennent pas d’exercice. Qu’elles travaillent comme leurs servantes et elles auront la santé de leurs servantes, ordinairement bonne. Que d’hommes se font mourir à ne rien faire! Dieu prend des compensations; ils gardent leurs forces pour eux, Dieu ne leur donne pas de récolte de forces physiques. S’ils les dépensaient plus, ils en auraient plus. Comme on dépérit vite à ne rien faire! Semons donc nos forces pour en récolter!

L’intelligence se sème comme le blé! Mais ici on n’a pas le droit de faire le fou pour récolter la sagesse. Comment faire? Voici. Quand d’autres nous traitent de fous, il faut enterrer son jugement et faire le mort. Car si on se choque, si on dispute, on ne récoltera pas de sagesse pas plus que si le grain de blé tombé en terre frétille et remue, il ne peut pas pousser.

Quand on veut commencer une entreprise quelconque, il est bon de le dire ouvertement et d’écouter les remarques des autres. Si les gens disent qu’on n’est pas l’homme du tout pour cela, c’est un bon signe. On peut dire à Dieu: vous voyez ce qu’ils disent de moi, si jamais vous coopérez avec moi, vous en aurez bien toute la gloire, car ils disent tous que je ne suis rien! Tous ceux qui ont fait des merveilles dans le monde ont été condamnés par leur entourage.

La volonté suit la même règle. Celui qui sème des "oui" récoltera des "oui" de Dieu et celui qui n’obéit pas à ses supérieurs et donc à Dieu récoltera des "non" aussi de Dieu. Plus on sème sa volonté et plus Dieu fait la nôtre. Qu’on explique cette sagesse de Dieu aux enfants et à tous les inférieurs; ils seraient bien plus obéissants.

Plusieurs s’y prennent mal pour obtenir quelque chose de Dieu. Ils se mettent dans la tête une chose qu’ils veulent, puis il faut que les supérieurs marchent selon cette volonté. Dieu fera exprès pour mettre le contraire dans la tête du supérieur. Avant de demander quoi que ce soit semons notre volonté d’avance et disons bien au bon Dieu que nous prendrons ce qu’il voudra bien nous donner. Alors on a toutes les chances de récolter la volonté divine.

Le temps est un élément important dans la vie surtout de nos jours où les gens sont si affairés pour des bagatelles. Ces excités ne vivent pas de foi évidemment; ils ne savent pas que pour récolter du temps, il faut en semer pour l’amour de Dieu: assister à la messe sur semaine, aller communier souvent, visiter les pauvres et les malades, se dévouer pour les autres d’une façon ou d’une autre, faire des retraites, lire de bons livres, etc. Tous ceux qui viennent demander un service sont des "terres" pour semer du temps; il ne faut pas les éconduire, ils nous sauvent une bonne récolte de temps!…

Voici une pratique fort utile pour tous les chrétiens: faire une heure d’adoration devant le Très Saint Sacrement tous les jours autant que possible, ou la faire dans la solitude de sa maison si on ne peut pas aller à l’église. Nous allons passer l’éternité avec J-C. et nous ne voudrions pas commencer à jouir de sa compagnie en ce monde? Si Jésus nous ennuie sur terre, c’est donc que nous ne l’aimons pas ou très peu. Comment espérer alors aller au ciel pour jouir de lui?

Ceux qui disent qu’ils n’ont pas le temps; qu’ils en épargnent sur une foule de bagatelles et de vanités qui remplissent leur vie. Quand on commence à aimer Dieu, on rejette une foule de choses païennes qui nous font gaspiller beaucoup de temps. L’amour est ingénieux. Comme ceux qui aiment le monde trouvent du temps pour toutes ces sottises, nous n’en trouverions pas pour les choses de Dieu?

L’organisme humain ne peut pas supporter tant de surmenage qu’on se donne ordinairement pour les choses du monde. Ceux qui ne vont pas se reposer aux pieds de N.S. seront obligés de prendre des semaines de repos ou ils seront malades souvent. Ils gardent leur temps pour eux, Dieu gardera le sien! Quand on fait son heure d’adoration, c’est étonnant comme on a bonne santé, qu’on trouve du temps pour tout et que les nerfs se reposent! Surtout que de lumières et de grâces l’on reçoit là! C’est là qu’on vient à approfondir la folie de la croix et le mépris du monde.

La conclusion est: semons le plus possible des biens de ce monde pour récolter ceux du ciel!


Chapitre suivant Sommaire Chapitre précédent 25-05-2004