Nous qui, depuis un nombre d'années
assez considérable, Nous livrions comme Vous, selon toute
la mesure de Nos forces, à l'accomplissement de cette charge
épiscopale si pleine de travaux et de sollicitude de tout
genre ; Nous, qui Nous efforcions de diriger et de conduire
sur les monts d'Israël, aux bords des eaux vives, dans les
pâturages les plus féconds, la portion du troupeau
du Seigneur confiée à Nos soins ; Nous voici,
par la mort de Grégoire XVI, notre très illustre
prédécesseur, et dont la postérité,
saisie d'admiration pour sa mémoire, lira les glorieux
actes inscrits en lettres d'or dans les fastes de l'Église ;
Nous voici porté au faîte du Suprême Pontificat,
par un dessein secret de la divine Providence, non seulement contre
toute prévision et toute attente de Notre part, mais au
contraire avec l'effroi et la perturbation extrêmes qui
alors saisirent Notre âme. Si, en effet, et à toutes
les époques, le fardeau du ministère apostolique
a été et doit être toujours justement considéré
comme extrêmement difficile et périlleux, c'est bien
certainement de nos jours et de notre temps, si remplis de difficultés
pour l'administration de la république chrétienne,
qu'on doit le regarder comme extrêmement redoutable. Aussi,
bien pénétré de Notre propre faiblesse, au
premier et seul aspect des imposants devoirs de l'Apostolat suprême,
surtout dans la conjoncture si difficile des circonstances présentes,
Nous nous serions abandonné entièrement aux larmes
et à la plus profonde tristesse, si Nous n'avions promptement
fixé toute Notre espérance en Dieu. notre salut,
qui ne laisse jamais défaillir ceux qui espèrent
en Lui, et qui, d'ailleurs, jaloux de montrer de temps à
autre sa toute puissance, se plaît à choisir pour
gouverner son Église les instruments les plus faibles,
afin que de plus en plus tous les esprits soient amenés
à reconnaître que c'est Dieu Lui-même, par
son admirable Providence, qui gouverne et défend son Église.
D'ailleurs, ce qui Nous console et soutient aussi considérablement
notre courage, Vénérables Frères, c'est que,
en travaillant au salut des âmes, Nous pouvons Vous compter
comme Nos associés et Nos coadjuteurs, Vous qui, par vocation,
partagez Notre sollicitude, et Vous efforcez, par Votre zèle
et Vos soins sans mesure, de remplir Votre saint ministère
et de soutenir le bon combat.
Assis, malgré Notre peu de mérite,
sur ce siège suprême du prince des apôtres,
à peine avons Nous reçu en héritage, dans
la personne du bienheureux apôtre Pierre, cette charge si
auguste et si grave, divinement accordée par le prince
éternel au souverain de tous les pasteurs, de paître
et de gouverner, non seulement les agneaux, c'est-à-dire
tout le peuple chrétien, mais aussi les brebis, c'est-à-dire
les chefs du troupeau eux-mêmes ; non, rien certainement
n'a plus vivement excité Nos voeux et Nos désirs
les plus pressants, que de Vous adresser les paroles qui Nous
sont suggérées par les plus intimes sentiments de
notre affection.
C'est pourquoi, venant à peine de prendre
possession du suprême pontificat dans notre basilique de
Latran, selon l'usage et l'institution de nos prédécesseurs,
sur le champ Nous Vous adressons les présentes lettres
dans le but d'exciter encore Votre piété, déjà
si éminente ; et afin que, par un surcroît de
promptitude, de vigilance et d'effort, Vous souteniez les veilles
de la nuit autour du troupeau confié à vos soins,
et que, déployant la vigueur et la fermeté épiscopales
dans le combat contre le plus terrible ennemi du genre humain,
vous soyez pour la maison d'Israël cet infranchissable rempart
qu'offrent seuls les valeureux soldats de Jésus Christ.
Personne d'entre vous n'ignore, Vénérables
Frères, dans notre époque déplorable, cette
guerre si terrible et si acharnée qu'à machinée
contre l'édifice de la foi catholique cette race d'hommes
qui unis entre eux par une criminelle association, ne pouvant
supporter la saine doctrine, fermant l'oreille à la vérité,
ne craignent pas d'exhumer du sein des ténèbres,
où elles étaient ensevelies, les opinions les plus
monstrueuses, qu'ils entassent d'abord de toutes leurs forces,
qu'ils étalent ensuite et répandent dans tous les
esprits à la faveur de la plus funeste publicité.
Notre âme est saisie d'horreur, et Notre coeur succombe
de douleur, lorsque Nous nous rappelons seulement à la
pensée toutes ces monstruosités d'erreurs, toute
la variété de ces innombrables moyens de procurer
le mal ; toutes ces embûches et ces machinations par
lesquelles ces esprits ennemis de la lumière se montrent
artistes si habiles à étouffer dans toutes les âmes
le saint amour de la piété, de la justice et de
l'honnêteté ; comment ils parviennent si promptement
à corrompre les moeurs, à confondre ou à
effacer les droits divins et humains, à saper les bases
de la société civile, à les ébranler,
et, s'ils pouvaient arriver jusque là, à les détruire
de fond en comble.
Car, Vous le savez bien, Vénérables
Frères, ces implacables ennemis du nom chrétien,
tristement entraînés par on ne sait quelle fureur
d'impiété en délire, ont poussé l'excès
de leurs opinions téméraires à ce point d'audace,
jusque là inouï, qu'ils n'ouvrent leur bouche que
pour vomir contre Dieu des blasphèmes ; qu'ouvertement
et par toutes les voix de la publicité, ils ne rougissent
pas d'enseigner que les sacrés mystères de notre
religion sont des fables et des inventions humaines, que la doctrine
de l'Église catholique est contraire au bien et aux intérêts
de la société. Ils vont plus loin encore :
ils ne redoutent pas de nier le Christ et jusqu'à Dieu
Lui-même. Pour fasciner encore plus aisément les
peuples, pour tromper surtout les esprits imprévoyants
et les ignorants, et les entraîner avec eux dans les abîmes
de l'erreur, ils osent se vanter d'être les seuls en possession
de la connaissance des véritables sources de la prospérité;
ils n'hésitent pas à s'arroger le nom de philosophes,
comme si la philosophie, dont l'objet est de rechercher et d'étudier
la vérité de l'ordre naturel, devait rejeter avec
dédain tout ce que le Dieu suprême et très
clément, l'auteur de toute la nature, par un effet spécial
de sa bonté et de sa miséricorde, a daigné
manifester aux hommes pour leur véritable bonheur et pour
leur salut.
C'est pour cela qu'employant une manière
de raisonner déplacée et trompeuse, ils ne cessent
d'exalter la force et l'excellence de la raison humaine, de vanter
sa supériorité sur la foi très sainte en
Jésus Christ, et qu'ils déclarent audacieusement
que cette foi est contraire à la raison humaine. Non, rien
ne saurait être imaginé ou supposé de plus
insensé, de plus impie et de plus contraire à la
raison elle-même.
Car, bien que la foi soit au-dessus de la
raison, jamais on ne pourra découvrir qu'il y ait opposition
et contradiction entre elles deux; parce que l'une et l'autre
émanent de ce Dieu très excellent et très
grand, qui est la source de la vérité éternelle.
Elles se prêtent bien plutôt un tel secours mutuel
que c'est toujours à la droite raison que la vérité
de la foi emprunte sa démonstration, sa défense
et son soutien les plus sûrs ; que la foi, de son côté,
délivre la raison des erreurs qui l'assiègent, qu'elle
l'illumine merveilleusement par la connaissance des choses divines,
la confirme et la perfectionne dans cette connaissance.
Les ennemis de la révélation
divine, Vénérables Frères, n'ont pas recours
à des moyens de tromperie moins funestes lorsque, par des
louanges extrêmes, ils portent jusqu'aux nues les progrès
de l'humanité. Ils voudraient, dans leur audace sacrilège,
introduire ce progrès jusque dans l'Église catholique :
comme si la religion était l'ouvrage non de Dieu, mais
des hommes, une espèce d'invention philosophique à
laquelle les moyens humains peuvent surajouter un nouveau degré
de perfectionnement.
Jamais hommes si déplorablement en
délire ne méritèrent mieux le reproche que
Tertullien adressait aux philosophes de son temps : " Le
christianisme que vous mettez en avant, n'est autre que celui
des stoïciens, des platoniciens et des dialecticiens ".
En effet, notre très sainte religion
n'ayant pas été inventée par la raison, mais
directement manifestée aux hommes par Dieu, tout le monde
comprend aisément que cette religion, empruntant toute
sa force et sa vertu de l'autorité de la Parole de Dieu
Lui-même, n'a pu être produite et ne saurait être
perfectionnée par la simple raison. Donc, pour que la raison
humaine ne se trompe ni ne s'égare dans une affaire aussi
grave et de cette importance, il faut qu'elle s'enquière
soigneusement du fait de la révélation, afin qu'il
lui soit démontré, d'une manière certaine,
que Dieu a parlé, et qu'en conséquence, selon le
très sage enseignement de l'apôtre, elle lui doit
une soumission raisonnable. Mais qui donc ignore ou peut ignorer
que, lorsque Dieu parle, on lui doit une foi entière, et
qu'il n'y a rien de plus conforme à la raison elle-même,
que de donner son assentiment et de s'attacher fortement aux vérités
incontestablement révélées par Dieu, qui
ne peut ni tromper ni se tromper ?
Et combien nombreuses, combien admirables,
combien splendides sont les preuves par lesquelles la raison humaine
doit être amenée à cette conviction profonde :
que la religion de Jésus Christ est divine, et qu'elle
a reçu du Dieu du ciel la racine et le principe de tous
ses dogmes, et que par conséquent il n'y a rien au monde
de plus certain que notre foi, rien de plus sûr ni de plus
vénérable et qui s'appuie sur des principes solides.
C'est cette foi qui est la maîtresse de la vie, le guide
du salut, le destructeur de tous les vices, la mère et
la nourrice féconde de toutes les vertus ; consolidée
par la naissance, la vie, la mort, la résurrection, la
sagesse, les prodiges et les prophéties de son divin auteur
et consommateur, Jésus Christ; répandant de tous
côtés 1' éclat de sa doctrine surnaturelle,
enrichie des trésors inépuisables et vraiment célestes
de tant de prophéties inspirées à ses prophètes,
du resplendissant éclat de ses miracles, de la constance
de tant de martyrs, de la gloire de tant de saints personnages.
De plus en plus insigne et remarquable, elle porte partout les
lois salutaires de Jésus Christ ; et de jour en jour
acquérant et puisant sans cesse de nouvelles forces dans
les persécutions les plus cruelles, armée du seul
étendard de la croix, elle conquiert l'univers entier,
et la terre et la mer, depuis le levant jusqu'au couchant ;
et, après avoir renversé les trompeuses idoles,
dissipé les ténèbres épaisses de l'erreur,
triomphé des ennemis de toute espèce, elle a répandu
les bienfaisants rayons de sa lumière sur tous les peuples,
sur toutes les nations et sur tous les pays, quel que fût
le degré de férocité de leurs moeurs, de
leur naturel et de leur caractère barbare, les courbant
sous le joug si suave de Jésus Christ, et annonçant
à tous la paix et le bonheur.
Certes, toutes ces magnificences resplendissent
assez de toute part de l'éclat de la puissance et de la
sagesse divines, pour que toute pensée et toute intelligence
puissent saisir promptement et comprendre facilement que la foi
chrétienne est l'oeuvre de Dieu.
Donc, d'après ces splendides et inattaquables
démonstrations, la raison humaine est amenée à
ce point qui l'oblige à reconnaître clairement et
manifestement que Dieu est l'auteur de cette même foi ;
la raison humaine ne saurait s'avancer au-delà ; mais,
rejetant et écartant toute difficulté et tout doute,
elle doit à cette même foi une soumission sans réserve,
puisqu'elle est elle-même assurée que tout ce que
la foi propose aux hommes de croire et de pratiquer, tout cela
vient de Dieu.
On voit donc manifestement dans quelle erreur
profonde se roulent ces esprits qui, abusant de la raison et regardant
les oracles divins comme des produits de l'homme, osent les soumettre
à l'arbitrage de leur interprétation particulière
et téméraire. Puisque Dieu Lui-même a établi
une autorité vivante, laquelle devait fixer et enseigner
le véritable et légitime sens de sa révélation
céleste, et mettrait fin, par son jugement infaillible,
à toutes les controverses soit en matière de foi,
soit en matière de moeurs, et tout cela afin que les fidèles
ne fussent pas entraînés à tout vent dans
les fausses doctrines, ni enveloppés dans les immenses
filets de la malice et des aberrations humaines. Cette autorité
vivante et infaillible n'est en vigueur que dans cette seule Église
que Jésus Christ a établie sur Pierre, le chef,
le prince et le pasteur de toute l'Église, auquel il a
promis que sa foi ne serait jamais en défaillance ;
l'Église constituée de manière qu'elle a
toujours à sa tête et dans sa chaire immuable ses
Pontifes légitimes, lesquels remontent, par une succession
non interrompue, jusqu'à l'apôtre Pierre, et jouissent
comme lui du même héritage de doctrine, de dignité,
d'honneur et de puissance sans rivale. Et comme là où
est Pierre, là est l'Église ; comme Pierre
parle par la bouche du Pontife romain, qu'il est toujours vivant
dans ses successeurs, qu'il exerce le même jugement, et
transmet la vérité de la foi à ceux qui la
demandent, il s'ensuit que les divins enseignements doivent être
acceptés dans le même sens qu'y attache et y a toujours
attaché cette Chaire romaine, Siège du bienheureux
Pierre, la mère et la maîtresse de toutes les Églises,
qui a toujours conservé inviolable et entière la
foi donnée par le Seigneur Jésus Christ; qui l'a
toujours enseignée aux fidèles, leur montrant à
tous le chemin du salut et l'incorruptible doctrine de la Vérité.
Cette Église est donc l'Église
principale où l'unité sacerdotale a pris son origine,
elle est la métropole de la piété, et dans
laquelle reste toujours entière et parfaite la solidité
de la religion chrétienne ; toujours on y a vu florissant
le Principat de la Chaire apostolique vers laquelle toute l'Église,
c'est-à-dire tous les fidèles répandus sur
la terre doivent nécessairement accourir, à raison
de sa principauté suréminente, Église sans
laquelle quiconque ne recueille pas, disperse.
Nous donc qui avons été placé,
par un impénétrable jugement de Dieu, sur cette
Chaire de Vérité, nous venons exciter très
vivement dans le Seigneur votre piété si remarquable,
Vénérables Frères, afin que Vous renouveliez
tous vos efforts, Votre sollicitude et Vos soins, avertissant
et exhortant continuellement tous les fidèles confiés
à Votre vigilance, que chacun d'eux, fermement attaché
à ces principes, ne se laisse jamais tromper ni attirer
par l'erreur de ces hommes abominables dans leurs recherches,
qui ne s'appliquent, en cette étude et dans la poursuite
du progrès humain, qu'à la destruction de la foi,
qui ne veulent, dans leurs efforts impies, que soumettre cette
foi à la raison de l'homme, et ne reculent pas devant l'audace
de faire injure à Dieu Lui-même, après qu'Il
a daigné, dans sa clémence et par Sa divine religion,
pourvoir au bien et au salut des hommes.
Mais Vous connaissez encore aussi bien, Vénérables
Frères, les autres monstruosités de fraudes et d'erreurs
par lesquelles les enfants de ce siècle s'efforcent chaque
jour de combattre avec acharnement la religion catholique et la
divine autorité de l'Église, ses lois non moins
vénérables ; comment ils voudraient fouler
également aux pieds les droits de la puissance sacrée
et de 1' autorité civile. C'est à ce but que tendent
ces criminels complots, contre cette Église romaine, siège
du bienheureux Pierre, et dans laquelle Jésus Christ a
placé l'indestructible fondement de toute son Église.
Là tendent toutes ces sociétés secrètes
sorties du fond des ténèbres pour ne faire régner
partout, dans l'ordre sacré et profane, que les ravages
et la mort ; sociétés clandestines si souvent
foudroyées par l'anathème des Pontifes romains nos
prédécesseurs dans leurs Lettres apostoliques, lesquelles
Nous voulons en ce moment même confirmer et très
exactement recommander à l'observation par la plénitude
de Notre puissance apostolique.
C'est encore le but que se proposent ces perfides
sociétés bibliques, lesquelles, renouvelant les
artifices odieux des anciens hérétiques, ne cessent
de produire contre les règles si sages de l'Église,
et de répandre parmi les fidèles les moins instruits
les livres des saintes Écritures traduits en toute espèce
de langues vulgaires, et souvent expliquées dans un sens
pervers, consacrant à la distribution de ces milliers d'exemplaires
des sommes incalculables, les répandant partout gratuitement,
afin qu'après avoir rejeté la tradition, la doctrine
des Pères et l'autorité de l'Église catholique,
chacun interprète les oracles divins selon son jugement
propre et particulier, et tombe ainsi dans l'abîme des plus
effroyables erreurs. Animé d'une juste émulation
du zèle et des saints exemples de ses prédécesseurs,
Grégoire XVI, de sainte mémoire, et dont Nous avons
été constitué le successeur, malgré
l'infériorité de Notre mérite, a condamné
par ses Lettres apostoliques les mêmes sociétés
secrètes que Nous entendons aussi déclarer condamnées
et flétries par Nous.
C'est encore au même but que tend cet
horrible système de l'indifférence en matière
de religion, système qui répugne le plus à
la seule lumière naturelle de la raison. C'est par ce système,
en effet, que ces subtils artisans de mensonge, cherchent à
enlever toute distinction entre le vice et la vertu, entre la
vérité et l'erreur, entre l'honneur et la turpitude,
et prétendent que les hommes de tout culte et de toute
religion peuvent arriver au salut éternel : comme
si jamais il pouvait y avoir accord entre la justice et l'iniquité,
entre la lumière et les ténèbres, entre Jésus
Christ et Bélial.
C'est à ce même but encore que
tend cette honteuse conjuration qui s'est formée nouvellement
contre le célibat sacré des membres du clergé,
conspiration qui compte, ô douleur ! parmi ses fauteurs
quelques membres de l'ordre ecclésiastique, lesquels, oubliant
misérablement leur propre dignité, se laissent vaincre
et séduire par les honteuses illusions et les funestes
attraits de la volupté ; C'est là que tend
ce mode pervers d'enseignement, spécialement celui qui
traite des sciences philosophiques, et par lequel, d'une manière
si déplorable, on trompe et l'on corrompt une imprévoyante
jeunesse, lui versant le fiel du dragon dans la coupe de Babylone ;
à ce même but tend cette exécrable doctrine
destructrice même du droit naturel et qu'on appelle le communisme,
laquelle, une fois admise, ferait bientôt disparaître
entièrement les droits, les intérêts, les
propriétés et jusqu'à la société
humaine ; là tendent aussi les embûches profondément
ténébreuses de ceux qui cachent la rapacité
du loup sous la peau de la brebis, s'insinuent adroitement dans
les esprits, les séduisent par les dehors d'une piété
plus élevée, d'une vertu plus sévère ;
les liens qu'ils imposent sont à peine sensibles, et c'est
dans l'ombre qu'ils donnent la mort ; ils détournent
les hommes de toute pratique du culte ; quand ils ont égorgé
les brebis du Seigneur, ils en déchirent les membres.
C'est là enfin, pour ne point énumérer
ici tous les maux qui Vous sont si bien connus, c'est à
ce but funeste que tend cette contagion exécrable de petits
livres et de volumes qui pleuvent de toutes parts, enseignant
la pratique du mal ; composés avec art, pleins d'artifice
et de tromperie, répandus à grands frais dans tous
les lieux de la terre, pour la perte du peuple chrétien,
ils jettent partout les semences des funestes doctrines, font
pénétrer la corruption, surtout dans les âmes
des ignorants, et causent à la religion les pertes les
plus funestes. Par suite de cet effroyable débordement
d'erreurs partout répandues, et aussi par cette licence
effrénée de tout penser, de tout dire, et de tout
imprimer, les moeurs publiques sont descendues à un effroyable
degré de malice ; la très sainte religion de
Jésus Christ est méprisée ; l'auguste
majesté du culte divin dédaignée ; l'autorité
du saint Siège apostolique renversée ; le pouvoir
de l'Église sans cesse attaqué et réduit
aux proportions d'une humiliante servitude ; les droits de
évêques foulés aux pieds, la sainteté
du mariage violée, l'administration de l'une et de l'autre
puissance universellement ébranlée ; tels sont
entre autres, Vénérables Frères, les maux
qui dévorent la société civile et religieuse,
et que Nous sommes obligé de déplorer aujourd'hui
en mêlant Nos larmes avec les Vôtres.
Au milieu donc de ces grandes vicissitudes
de la religion, des événements et des temps, vivement
préoccupé du salut de tout le troupeau divinement
confié à Nos soins, dans l'accomplissement de la
charge de Notre ministère apostolique, soyez assurés
que Nous n'omettrons ni tentatives, ni efforts pour assurer le
bien spirituel de la famille entière des chrétiens.
Nous venons cependant exciter aussi dans le Seigneur toute l'ardeur
de Votre piété, déjà si remarquable,
toute Votre vertu et toute Votre prudence.
Comme Nous, appuyés sur le secours
d'en haut, défendez avec Nous et valeureusement, Vénérables
Frères, la cause de l'Église, fermes au poste qui
Vous est confié, et soutenant la dignité qui Vous
distingue. Vous comprenez que la combat sera rude, car Vous n'ignorez
point le nombre et la profondeur des blessures qui accablent l'Épouse
Immaculée de Jésus Christ, et quelles dévastations
terribles ses ennemis acharnés lui font éprouver.
Or, Vous savez parfaitement que le premier
devoir de Votre charge est d'employer Votre force épiscopale
à protéger et à défendre la foi catholique,
à veiller avec le soin le plus extrême à ce
que le troupeau qui Vous est confié demeure ferme et inébranlable
dans la foi, sans la conservation entière et inviolable
de laquelle il périrait certainement pour l'éternité.
Ainsi ayez donc le soin le plus grand de défendre et de
conserver cette foi selon Votre sollicitude pastorale, et ne cessez
jamais d'en instruire tous ceux qui Vous sont confiés,
de confirmer les esprits chancelants, de confondre les contradicteurs,
de fortifier les faibles, ne dissimulant ou ne souffrant rien
qui puisse paraître, le moins du monde, blesser la pureté
de cette foi. Avec le même courage et la même fermeté,
Vous devez favoriser l'union et l'attachement de tous les coeurs
à cette Église catholique, hors de laquelle il n'y
a point de salut ; la soumission à cette Chaire de
Pierre sur laquelle repose, comme sur le plus inébranlable
fondement, tout le majestueux édifice de notre très
sainte religion. Employez la même constance à veiller
à la conservation des très saintes lois de l'Église,
par lesquelles vivent et fleurissent parfaitement la vertu, la
religion et la piété.
Mais comme c'est une preuve incontestable
de grande pitié que de signaler les ténébreux
repères des impies et de vaincre en eux le démon,
leur maître, Nous Vous en conjurons, employez toutes les
ressources de Votre Zèle et de Vos travaux à découvrir
aux yeux du peuple fidèle toutes les embûches, toutes
les tromperies, toutes les erreurs, toutes les fraudes et toutes
les manoeuvres des impies ; détournez avec grand soin
ce même peuple de la lecture de tant de livres empoisonnés,
et enfin exhortez assidûment le peuple fidèle à
fuir, comme à l'aspect du serpent, les réunions
et les sociétés impies, afin qu'il parvienne ainsi
à se préserver très soigneusement du contact
de tout ce qui est contraire à la foi, à la religion
et aux bonnes moeurs.
Pour obtenir de tels résultats, gardez
Vous bien de cesser un instant de prêcher le Saint Évangile ;
car c'est une telle instruction qui fait croître le peuple
chrétien dans la science de Dieu et dans la pratique de
plus en plus parfaite de la très sainte loi du christianisme ;
par là, il sera détourné du mal et marchera
dans les voies du Seigneur.
Et puisque Vous savez que Vous remplissez
la charge de Jésus Christ, lequel se déclara doux
et humble de coeur, qui vint sur la terre, non pour appeler les
justes, mais les pécheurs, nous laissant son exemple, afin
que nous imitions sa vie et marchions sur ses pas ; ne négligez
jamais, toutes les fois que Vous découvrirez quelques délinquants
dans la voie des préceptes du Seigneur, et lorsque Vous
les verrez s'éloigner du sentier de la justice et de la
vérité, ne négligez jamais d'employer auprès
d'eux les avertissements de la tendresse et de la mansuétude
d'un père ; et, afin de les corriger, reprenez les
par de salutaires conseils ; dans vos instances, comme dans
vos reproches, employez toujours les officieuses ressources de
la bonté, de la patience et de la doctrine ; car il
est démontré que, pour corriger et réformer
les hommes, la bonté a souvent plus de puissance que la
sévérité, l'exhortation l'emporte sur la
menace, et la charité va plus loin que la puissance.
Joignez encore tous Vos efforts, Vénérables
Frères, pour obtenir un autre résultat important,
savoir, que les fidèles aiment la charité, fassent
régner la paix entre eux et pratiquent avec soin tout ce
qui sert à l'entretien de cette charité et de cette
paix. Par là, il n'y aura plus de dissensions, d'inimitiés
ni de rivalités, mais tous se chériront dans une
mutuelle tendresse ; ils seront parfaitement unanimes dans
le même sentiment et la même vérité,
la même parole, le même goût en Jésus
Christ Notre Seigneur.
Appliquez Vous à inculquer au peuple
chrétien le devoir de la soumission et de l'obéissance
vis-à-vis des princes et des gouvernements ; enseignez
lui, selon le précepte de l'Apôtre, que toute puissance
vient de Dieu ; que ceux-là résistent à
l'ordre divin et méritent d'être condamnés,
qui résistent à la puissance, et que ce précepte
d'obéissance vis-à-vis du pouvoir ne peut jamais
être violé sans mériter de châtiment,
excepté toutefois lorsqu'il exige quelque chose de contraire
aux lois de Dieu et de l'Église.
Cependant, comme rien n'est plus propre à
disposer continuellement les âmes à la pratique de
la piété et au culte de Dieu, que la vie et les
actes exemplaires de ceux qui se sont consacrés au ministère
divin, et que tels sont les prêtres, tels sont ordinairement
les peuples, Vous comprenez dans Votre éminente sagesse,
Vénérables Frères, que Vous devez employer
tous Vos soins à ce que chaque membre de Votre clergé
brille par la gravité des moeurs, par la sainteté
et l'intégrité de la vie, et par la doctrine ;
et à ce que les prescriptions des saints canons et de la
discipline ecclésiastique soient exactement gardées,
et que là où la discipline a succombé, on
lui rende son antique splendeur.
À cet effet, ainsi que Vous le savez
très bien, Vous devez éviter avec le plus grand
soin d'imposer les mains à aucun aspirant, avec trop de
précipitation, et contre l'avis de l'Apôtre ;
mais Vous n'admettrez à l'initiation des ordres sacrés,
et Vous n'élèverez à la puissance redoutable
de consacrer les saints mystères, que les lévites
auparavant éprouvés et examinés scrupuleusement,
que ceux qui se distingueront par l'ornement de toutes les vertus,
et qui auront mérité la juste louange d'une sagesse
intacte ; de telle sorte qu'ils puissent être d'utiles
ouvriers, et la gloire de l'Église, dans chacun de Vos
diocèses, et enfin ceux qui, s'éloignant soigneusement
de tout ce qui est contraire à la vie cléricale,
s'adonnant plutôt à 1' étude, à la
prédication, et à la connaissance approfondie de
la doctrine, sont, en effet, le parfait exemple des fidèles,
dans leur parole, dans leur conduite, dans la charité,
dans la foi, dans la chasteté ; de telle sorte qu'à
leur approche tous éprouvent le sentiment d'une vénération
méritée ; que par eux, de plus en plus, le
peuple chrétien se forme, s'excite et s'enflamme à
l'amour de notre divine religion. Car il est mille fois préférable,
selon l'avis si parfaitement sage de Benoît XIV, l'un de
Nos prédécesseurs d'immortelle mémoire, qu'il
y ait un nombre restreint de prêtres, pourvu qu'ils se montrent
excellents, capables et utiles, plutôt que d'en avoir un
grand nombre, incapables de toute manière de procurer l'édification
du corps de Jésus Christ, qui est l'Église. Vous
n'ignorez pas non plus qu'il faut examiner avec le plus grand
soin quelles sont spécialement les moeurs et la science
de ceux à qui sont confiées la charge et la conduite
des âmes, afin que, ministres fidèles et dispensateurs
des diverses formes de la grâce de Dieu, dans l'administration
des sacrements auprès du peuple qui leur est confié,
ils sachent le nourrir et l'encourager par la prédication
de la parole divine et le soutien continuel du bon exemple ;
qu'ils sachent le former à tous les enseignements et à
toutes les pratiques de la religion, et le maintenir dans le chemin
du salut. Vous savez parfaitement que c'est à l'ignorance
des pasteurs ou à la négligence des devoirs de leur
charge qu'il faut attribuer perpétuellement le relâchement
des moeurs parmi les fidèles, la violation de la discipline
chrétienne, l'abandon, puis la destruction totale des pratiques
et du culte religieux, enfin le débordement de tous les
vices et des corruptions qui pénètrent alors facilement
dans l'Église. Voulez-Vous que la parole de Dieu, qui est
toujours vivante et efficace et plus pénétrante
qu'un glaive à deux tranchants, établie pour le
salut des âmes, ne s'en retourne pas inutile et impuissante
par la faute de ses ministres ; ne cessez jamais, Vénérables
Frères, d'inculquer dans l'âme des prédicateurs
cette parole divine, et de leur recommander la méditation
spirituelle, profonde, des devoirs de cette auguste et si grave
fonction ; dites leur qu'ils ne doivent point employer dans
le ministère évangélique cet apparat et cet
artifice que l'habileté mondaine enseigne pour persuader
sa fausse sagesse, non plus que ces vaines pompes et ces charmes
ambitieux qui caractérisent l'éloquence profane,
mais qu'ils s'exercent plutôt et très religieusement
dans la démonstration de l'esprit et de la vertu de Dieu.
Traitant ainsi convenablement la parole de vérité,
ne se prêchant pas eux-mêmes, mais Jésus Christ
crucifié, qu'ils annoncent aux peuples simplement et clairement
les dogmes de notre sainte religion selon la doctrine de l'Église
catholique, d'après l'enseignement des Pères, et
en une élocution toujours grave et majestueuse ; qu'ils
expliquent exactement les devoirs particuliers et spéciaux
de chacun ; qu'ils inspirent à tous l'horreur du vice
et une vive ardeur pour la piété afin que les fidèles,
salutairement imbus et nourris de la parole divine, fuyant tous
les vices, pratiquant toutes les vertus, et évitant ainsi
les peines éternelles, puissent arriver à la gloire
du ciel.
Selon les devoirs de Votre charge pastorale,
et d'après les inspirations de Votre prudence, avertissez
sans cesse tous les ecclésiastiques placés sous
Vos ordres, excitez les à réfléchir sérieusement
à l'auguste ministère qu'ils ont reçu de
Dieu ; que tous soient exacts à remplir avec la plus
grande diligence la part de fonction qui leur est échue ;
que, pénétrés des sentiments les plus intimes
d'une véritable piété, ils ne cessent leurs
prières et leurs supplications au Seigneur; que, dans cet
esprit, ils accomplissent le précepte ecclésiastique
de la récitation des heures canoniales, afin de pouvoir
obtenir pour eux-mêmes les divins secours si nécessaires
pour s'acquitter des devoirs si graves de leur charge, et rendre
le Seigneur toujours apaisé et favorable à tout
le peuple chrétien.
Toutefois, Vénérables Frères,
que Votre sagesse ne l'oublie pas, on ne peut obtenir d'excellents
ministres de l'Église qu'en les formant dans les meilleurs
instituts cléricaux ; le reste de leur vie sacerdotale
se ressent ainsi de la forte impulsion dans la voie du bien qu'ils
ont reçue dans ces pieux asiles. Continuez donc à
porter toute l'énergie de Votre Zèle vers cette
exacte préparation des jeunes clercs ; que par Vos
soins on leur inspire, même dés l'âge le plus
tendre, le goût de la piété et d'une vertu
solide ; qu'ils soient initiés sous Vos yeux à
l'étude des lettres, à la pratique d'une forte discipline,
mais principalement à la connaissance des sciences sacrées.
C'est pour cela que rien ne doit Vous être plus à
coeur, ni Vous paraître plus digne de tous Vos soins et
de toute Votre industrie que d'accomplir l'ordre des Pères
du saint Concile de Trente, s'il n'est déjà exécuté,
en instituant des séminaires pour les clercs ; que
d'augmenter, s'il le faut, le nombre de ces institutions pieuses,
d'y placer des maîtres et des directeurs excellents et capables,
de veiller sans repos, et avec une ardeur toujours ferme, à
ce que dans ces saints asiles les jeunes clercs soient constamment
formés dans la crainte du Seigneur, à l'étude,
et surtout dans la science sacrée, toujours conformément
à l'enseignement catholique, sans le moindre contact avec
l'erreur, de quelque espèce que ce soit, selon les traditions
ecclésiastiques et les écrits des Pères ;
qu'ils y soient exercés très soigneusement aux cérémonies
et aux rites sacrés, afin que plus tard Vous trouviez en
eux des coopérateurs pieux et capables, doués de
l'esprit ecclésiastique, sagement fortifiés par
la science, et qu'ils puissent dans l'avenir travailler avec fruit
le champ de Jésus Christ et combattre vaillamment les combats
du Seigneur.
Or, comme Vous êtes Vous-mêmes
très convaincus que, pour conserver et maintenir la dignité
et la sainte pureté de tout le sacerdoce ecclésiastique,
rien n'est plus efficace que l'institution des pieux exercices
spirituels ; d'après les impulsions de Votre zèle
et de Votre charité épiscopale, ne cessez point
d'exhorter, d'engager, de presser même très vivement
tous Vos prêtres à s'adonner à la pratique
d'une oeuvre aussi salutaire ; que fréquemment, tous
ceux qui sont engagés dans la sainte milice sachent choisir
une solitude favorable à 1' accomplissement de ces saints
exercices ; que là, séparés absolument
de toute espèce de préoccupation extérieure,
uniquement absorbés par la redoutable considération
des vérités éternelles, et par la profonde
méditation des choses divines, ils puissent ainsi s'épurer
des taches qu'auront pu laisser sur leur âme sacerdotale
la poussière et le contact des affaires du monde, se renouveler
dans l'esprit ecclésiastique, et que, se dépouillant
entièrement du vieil homme et de tous ses actes, ils se
revêtent de l'éclatante pureté de l'homme
nouveau qui fut créé dans la sainteté et
la justice. Ne Vous plaignez point si Nous avons si longuement
insisté sur cette nécessité de l'institution
et de la discipline cléricale.
Car Vous ne pouvez ignorer qu'il y a à
notre époque un grand nombre d'esprits qui, fatigués
à la vue de l'innombrable variété, de l'inconsistance
et du mouvement désordonné de l'erreur, éprouvent
intérieurement la nécessité de croire à
notre sainte religion, et qui seront enfin, par le secours de
la grâce divine, amenés d'autant plus facilement
à embrasser la pratique de la doctrine et des prescriptions
de cette religion divine, qu'ils verront le clergé briller
au-dessus des autres par plus de piété, de pureté,
de sagesse et de vertu.
Enfin, Frères bien aimés, Nous
ne pouvons douter que Vous-mêmes ne soyez animés
d'une ardente charité envers Dieu et pour tous les hommes,
enflammés de l'amour le plus vif pour tous les intérêts
de l'Église, munis de vertus presqu'angéliques,
armés et fortifiés du courage et de la prudence
si nécessaires à l'épiscopat, pénétrés
par le même désir de la volonté divine, marchant
d'un pas constant sur les traces des pas des apôtres, et
imitant, comme il sied à des pontifes, l'exemplaire divin
des pasteurs, le Seigneur Jésus Christ, dont Vous représentez
la personne ; devenus, par le zèle et par les sentiments
les plus unanimes, les types spirituels du troupeau fidèle ;
par l'éclat resplendissant de la sainteté de Votre
vie, illuminant à la fois le clergé et le peuple
et ayant acquis des entrailles de miséricorde, Vous sachiez
toujours, compatissant aux misères de l'ignorance et de
l'erreur, à l'exemple du Pasteur de l'Évangile,
courir avec tendresse après les brebis perdues ; malgré
leurs égarements, les chercher longtemps jusqu'à
ce que Vous les rencontriez et, paternellement émus quand
Vous les avez retrouvées, les placer affectueusement sur
Vos épaules et les rapporter au bercail. N'omettez jamais
ni soins, ni réflexions, ni travaux de tout genre pour
arriver à l'exact et religieux accomplissement de tous
les devoirs de Votre charge pastorale ; et après avoir
défendu des attaques, des embûches et de la fureur
des loups ravisseurs toutes les brebis si chères au coeur
de Jésus Christ, puisqu'Il les a rachetées au prix
inestimable de son sang divin ; après les avoir gardées
dans les saints pâturages, soigneusement éloignées
de la contagion, Vous puissiez, et par Vos paroles, et par Vos
actions, et par Vos exemples, les ramener toutes ensemble au port
du salut éternel.
Travaillez donc courageusement, Vénérables
Frères, à procurer la plus grande gloire de Dieu ;
et, par un déploiement extraordinaire de sollicitude et
de vigilance, comme par un même effort, faites en sorte
d'arriver à ce qu'après l'entière destruction
des erreurs et l'extirpation absolue des vices, la foi, la piété,
la vertu acquièrent de jour en jour, et par toute la terre,
un admirable accroissement ; que tous les fidèles,
repoussant avec dédain les oeuvres de ténèbres,
marchent dignement comme des fils de la lumière céleste
sous les yeux de Dieu, auquel leurs actions sont toujours agréables ;
et, dans les angoisses, les difficultés et les périls
extrêmes, qui sont inséparables, aujourd'hui principalement,
de 1' accomplissement de Vos si graves fonctions du ministère
épiscopal, gardez Vous bien de jamais succomber à
la craintive ; mais plutôt fortifiez Vous dans le Seigneur,
et fiez Vous à la puissance de Celui qui, nous considérant
du haut du ciel, engagés dans la lutte que nous soutenons
pour son nom sacré, encourage ceux qui s'enrôlent,
soutient les combattants et couronne les vainqueurs.
Mais comme rien ne saurait être pour
Nous plus agréable, plus doux à Notre coeur, plus
désirable pour le bien de l'Église, que de Vous
aider tous, ô Vous que Nous chérissons tendrement
dans les entrailles de Jésus Christ, et que Nous désirons
environner de Notre amour, de Nos conseils, que de pouvoir travailler
de concert à la défense et à la propagation
de la gloire de Dieu et de la foi catholique, et que même
Nous sommes prêt, pour le salut des âmes, à
donner s'il le faut, Notre propre vie, ô Nos Frères,
venez, Nous Vous en prions et supplions, approchez Vous avec grand
coeur et en toute confiance de cette Chaire du bienheureux prince
des Apôtres, de ce centre de l'unité catholique,
ce sommet suprême de l'Épiscopat, d'où découle
toute l'autorité de ce nom ; accourez donc auprès
de Nous toutes les fois que Vous éprouverez la nécessité
d'avoir recours à l'aide, au soutien et à la force
que renferme pour Vous l'autorité de ce Siège apostolique.
Or, Nous aimons à espérer que
Nos très chers fils en Jésus Christ, les princes,
guidés par leurs sentiments de piété et de
religion, auront toujours présente à leur mémoire
cette vérité : que l'autorité suprême
ne leur a pas seulement été donnée pour le
gouvernement des affaires du monde, mais principalement pour la
défense de l'Église ; et Nous-même, qu'en
donnant tous Nos soins à la cause de l'Église, Nous
travaillons paisiblement au bonheur de leur règne, à
leur propre conservation et à l'exercice de leurs droits ;
Nous aimons à espérer, disons Nous, que tous les
princes sauront favoriser, par l'appui de leur autorité
et le secours de leur puissance, des voeux, des desseins et des
dispositions ardentes au bien de tous, et que Nous avons en commun
avec eux. Qu'ils défendent donc et protègent la
liberté et l'entière plénitude de vie de
cette Église catholique, afin que l'empire de Jésus
Christ soit défendu par leur puissante main.
Pour que tous ces projets arrivent à
des résultats heureux et prospères, recourons avec
confiance, Vénérables Frères, au trône
de la grâce; et tous ensemble, par un concert unanime et
persévérant de ferventes prières, avec toute
l'humilité dont notre coeur sera capable, supplions le
Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation,
afin que, par les mérites de Son Fils unique, Il daigne
répandre sur notre faiblesse, l'ineffable abondance de
toutes les faveurs célestes ; que par la vertu de
sa toute puissance, il repousse Lui-même ceux qui s'opposent
à Nous ; qu'Il répande et augmente partout
la foi, la piété, la dévotion, la paix ;
par où la sainte Église, après avoir été
délivrée des adversités et de toutes les
erreurs qui l'assiègent, puisse jouir enfin du calme désirable
et nécessaire, et qu'il n'y ait plus désormais qu'un
seul bercail et un seul pasteur. Mais, pour que le Seigneur très
clément incline plus efficacement son oreille divine vers
nos prières, et accueille plus favorablement nos voeux,
ayons toujours auprès de Lui, comme intercession et intermédiaire
puissante, la très sainte et très immaculée
Mère de Dieu, qui est toujours notre plus douce Mère,
notre médiatrice, notre avocate, notre espérance
et notre confiance la plus parfaite et dont le patronage maternel
est ce qu'il y a auprès de Dieu de plus fort et de plus
efficace.
Invoquons aussi le prince des Apôtres,
auquel Jésus Christ lui-même a confié les
clés du royaume des cieux, qu'il a constitué lui-même
la pierre fondamentale de l'Église, contre laquelle les
portes de l'enfer ne pourront jamais prévaloir. Invoquons
saint Paul, le compagnon de son apostolat ; tous les saints
du ciel, qui possèdent déjà la palme et la
couronne, afin que tous nous aident à obtenir, pour l'universalité
du peuple chrétien, l'abondance si désirable de
la divine miséricorde.
Enfin, Vénérables Frères,
comme gage de tous les dons célestes et surtout comme un
témoignage de Notre ardente charité pour Vous, recevez
Notre bénédiction apostolique que Nous Vous accordons
du fond intime de Notre âme, ainsi qu'à tous les
membres du clergé et à tous les fidèles laïques
confiés à Vos soins.
Donné à Rome, près Sainte
Marie Majeure, le 9 novembre de l'année 1846 et l'an premier
de Notre pontificat.
Retour aux Encycliques... |