POÉSIES

 

La vie

La vie est brève

En ce bas monde :

Un léger rêve

D’une seconde.

de

Frère Benoît o.p.j.c

 

Sébastien

Je n'ai ni Ornement

Ni même frêle fleur

Pour aller voir comment

Va l’enfant qui se meurt;

Au fond de mon esprit

Je n’ai qu’une prière…

Comme un impuissant cri

Gravé sur une pierre (…12.94)

 

Claude

 

Il est allé rejoindre enfin Dieu qu'il aimait;

Et du Ciel désormais,

En nous tendant la main,

Il viendra nous aider sur notre dur chemin. (21.02.00)

 

De par les rues…

Les enfants qui sont seuls sous le ciel chaque jour,

S’il arrive souvent qu’ils y soient sans ressource,

Salue-les bien bas et, devant leurs pas de course,

Étends-leur de somptueux tapis de velours;

Ouvre-leur grand ton cœur, brûlant brasier d’amour,

Et généreusement ton honorable bourse,

Et, tout en les faisant boire à la bonne source,

Allège-les là de ce qu’ils ont de trop lourd.

Car ces enfants souffrent certainement beaucoup

Et certainement ils ne te diront pas tout,

Chacun sans doute ayant une histoire trop triste;

 

 

Mais en les accueillant ainsi les bras ouverts,

Ils se rappelleront aux durs temps de l’hiver,

Qu’ils auront un jour en toi rencontré le Christ. (20.07.96)

 

 

Le Philtre de la Mort

 

Cette source qui coule en si grande abondance,

Dont l’élixir est loin d’être un vilain verjus,

Quel est-elle sinon le coeur de mon Jésus,

Qu’on ouvrit sur la croix d’un traître coup de lance.

De cet antre profond, de cette plaie immense

Il en jaillit, mystère ineffable et voulu,

Et du sang et de l’eau, breuvage des élus;

Et ce vase sacré, se couronne d’une anse.

C’est, cilice acéré, cette tresse qui ceint

Ce Cœur si tendre et bon de l’Amour trois fois saint

Se transsubstantiant entre les doigts du prêtre.

Or en vendit la tiare, on tourna les autels

Vers l’homme déifié dont le baiser mortel

Fut, philtre de la mort, la morsure du traître. (26.06.01)

Le Vent du Nord

Lorsque j’entends le vent du nord,

Son chant évoque à mon esprit

Tous ces Canadiens ancestraux

Qui d'ores et déjà sont morts…

Qui se sont épris de la Vie,

De Celle de sur nos vitraux,

De nos grands saints que l’on honore

Et que sans cesse encor ‘ l’on prie.

Lorsque j’entends son concerto,

Mon cœur ressent du réconfort,

Et je suis prêt devant la vie,

D’entonner fort le vrai Credo.

Sans craindre honteusement la mort,

Ni même froncer les sourcils;

Montrer ce qu’un vrai Chrétien vaut

Sous la froidur’ du vent qui mord. (03.83)

Voie de la Croix

Je connais un chemin

Bordé de ros’s, jonché d’épines;

Nous pouvons, prends ma main,

L’emprunter, le jour décline;

Ne faisons pas les gamins,

Vois le soir, ce sera la nuit;

S’il faut vivre encore demain,

Il faut dans la noir éviter les puits.

Par cet étroit chemin

Bordé de ros’s, jonché d’épines,

Filons courbant bas l’échine,

Bientôt ce sera demain.

Par ce court et droit chemin

Aux bords abrupte et maints dangers,

Courrons vite afin de ménager

Le temps qui fuit d’entre nos mains. (09.03.85)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Candeur

I

L’enfant sauvé

Trop tard mesdames,

Il n’a trouvé

Que mauvaise âmes.

Il s’est sauvé

Comme un voleur,

Poches crevées

Comme son cœur.

II

Seul dans la rue

Un enfant va;

Petits pieds nus,

Le cœur qui bat.

Sur une route

Un enfant vient;

Pas une croûte,

On donne rien.

III

Seul dans la rue

Abandonné,

En saison crue,

La morve au nez.

Sur une route

Un enfant pleure;

Qui ne se doute

De son malheur?

IV

Seul dans la rue,

Pas une main;

Qui ne l’a vu?

On ne dit rien.

Sur une route,

Les gens le croisent;

On ne l’écoute;

Leurs yeux se toisent.

V

Seul dans la rue

Transi de froid,

Comme un intrus

On le rudoie.

Sur une route

Abandonné;

Une vie courte :

L’heure a sonné.

VI

On l’a trouvé

Sous saul’pleureur,

Les mains crevées,

Dedans des fleurs.

L’enfant trouvé

Trop tard messieurs,

Il s’est sauvé,

Là haut aux Cieux. (08.04.85)

 

L’Impie

C’est un être pensant qui divague beaucoup;

Il a produit son nombre ahurissant de livres

Mais il n’aura jamais assez de temps à vivre

Pour écrire ceux dont il ignore en fait tout.

Il croit lourd de lui-même, et vit selon ses goûts;

Et son savoir factice en l’aveuglant le livre

Impuissant à sa perte en laquelle il s’enivre :

C’est un être penchant qui ne tient pas debout.

Le moindre petit vent lui prend son équilibre;

Sous ses ailes captif, lui qui se croyait libre,

Il s’affaisse forçat qu’écrase le soleil.

Sa soif ne peut tirer du roc aucune goutte.

A l’orgueil de l’esprit qui fait croire en tout doute,

S’opposent la Sagesse et ses divins conseils. (05.01)

Thimoté Mc Veigh

Il est un homme au loin qui va bientôt mourir,

Frappé de la sentence à la suite d’un crime;

Et j’ai ouïe dire hier que rien en lui n’exprime

Le plus petit remords qui pu le secourir.

Toute la nuit durant, je n’ai pas pu dormir,

Offrant cette insomnie afin qu’il ait l’ultime

Désir de s’amender pour éviter l’abîme

D’un châtiment plus grave au moment d’en finir.

Du divin justicier que transperça la lance ,

Le moindre repentir incline la balance

Par le plateau du bien qu’accroît la Charité.

Ainsi malgré le nombre accumulé d’étages,

Le péché pèse lourd mais l’Amour davantage

Quand à la mort le temps cède à l’éternité. (11.06.01)

Proie

Si l’Homme a cet instinct qui cherche les ébats,

Lorsqu’il gît sur sa couche accumulant les fautes,

Il chasse de son âme et la grâce et son Hôte,

Si bien qu’en se levant il cache un triste état.

Si la paresse attire un alléchant appât,

Le démon qui le tend, dès qu’on le touche l’ôte.

Sur le chemin du bien, l’Homme en descend la côte,

La honte et le remords le suivant pas à pas.

Et deux fois indigent, il erre en ce bas monde

Jusqu’à ce qu’enfin l’eau du repentir l’inonde

Et que plein de pitié, le Dieu bon lui sourit.

En attendant ce cœur dont la digue ne cède,

Qui souffre atrocement, le diable le possède

Comme le chat cruel qui traque la souris. (05.01)

Le Poids Du Péché

A force de remplir ta barque de cailloux,

Inévitablement tu t’enfonces et tu coules;

Tu disparais soudain sous la vague qui roule,

Et tu descend jusqu’à l’ivresse tout d’un coup.

Et cette force qui t’aspire on ne sait d’où,

Épouvante et terreur, estomac sous la houle

Qui digère déjà l’immensité des foules,

On n’en sonde le fond ni n’en cerne le trou.

Et nous insouciant devant ce qui menace

De poids que le péché nous accumule en masse,

Nous préférons à Dieu notre cupide chair;

Nous la gavons de tout ce qui tente en ce monde

En feignant d’ignorer la faiblesse de l’onde

Qui risque de s’ouvrir dans un fracas d’enfer. (.01)

Le Vétéran

Il chante au chaud

Les deux mains dans ses mitaines

Les pieds dans l’eau

Près des gens qui vont et viennent.

 

Il chante et haut,

Sans aucune mise en scène,

Et sans micro,

Avec un de ces sans-gêne!

Il chante : " Héros,

 Tous les honneurs te reviennent;

 Sous ton drapeau

 T’offrir ta vie pour la sienne.. "

Il chante, écho

Qu’on n’entend plus ou à peine,

Que le goulot

Rendit dès lors âme vaine.

Il chante chaud,

Il a fort mauvaise haleine;

Dans son capot

Pèse une bouteille pleine.

Il chante faux

A fomenter la migraine;

Dans le métro

On lui jette quelques " cennes ".

Il chante au chaud

Toujours la même rengaine,

Son vieux chapeau

Appuyé sur sa bédaine .(22.02.89)

Indigence

Tu viens, tu va, toi qui reste là-bas

Sur les bancs de la ville,

Un chien très lent te suivant pas à pas

Si vieux et si tranquille.

 

 

 

Pour tous ces gens vous voyants comme çà :

De pauvres loques viles,

Vous n’êtes rien que de vains embarras

Quand eux sont très utiles.

Ils sont mesquins et paraissent si fats,

On les croirait habiles,

Toujours en train de soigner l’apparat;

En fait ils sont futiles.

Tu n’es qu’un gueux, eux ne sont que des rats,

Ne t’en fais pas de bile;

Plus qu’indigents, de vilains renégats

Hautains qui se défilent.

Si devant Dieu leur cœur est sans éclat,

Le tien auprès rutile

Et, bien qu’il n’ait que très peu de carats,

Il aime. Ainsi soit-il. ( 26.04.96)

Attente

I

C’est un homme modeste

Au visage marqué;

Son labeur trop agreste

L’a depuis fatigué

Il a ses vieux outils

Dans un coffre de bois

Sur lequel presqu’assis

Il allège son poids :

Il attend l’autobus

Car il va travailler;

Il a laissé sa puce

Toute seule au loyer.

II

Elle est toute petite

Quoique grande à présent,

Une idée ne la quitte:

Les tâches de maman.

Elle a ses beaux jouets

Dans une coffre de pin

Sur lequel s’assoyait

Sa maman le matin.

Elle attend son papa

Qui n’entre que le soir,

Refaisant tous ces pas

Gardés dans sa mémoire.

III

La vie a été dure

Pour la pauvre maman;

Son enfant insécure,

Elle y veille à présent.

Elle a ses os en cendre

Dans un coffre de chêne

Qu’octobre vit descendre

Avec beaucoup de peine.

Elle attend maintenant

Ces êtres qui la pleurent,

En calmant leurs tourments

Par quelqu’abat de fleurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le bel Héros

Dans un âge très tendre, à moi-même asservi,

Or j’oubliai très tôt de tendre vers les Cieux.

Malgré moi faisant tout afin que l’on me vit,

Obstiné, je devins un farouche ambitieux.

Aujourd’hui d’âge mûr,

Je contemple un passé;

J’ai franchi de hauts murs :

Et de larges faussés;

J’ai vaincu des lions,

Terrassé de grands aigles,

Et brassé des millions

D’après mes propres règles.

En Inde ou en Afrique,

A dos d’éléphants blancs,

Je dispense mon fric;

On m’admire en tremblant.

Cependant je suis seul

Malgré mes grands exploits.

Si l’on aime ma gueule,

On ne souffre ma loi.

Si de nouveau j’avais un peu moins de vingt ans,

Je recommencerais volontiers à zéro.

Pour bien vivre sa vie toujours d’un cœur content,

Point n’est besoin de cet éclat d’un bel héros. (10.08.87)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Châtiment

 

I

L’Église en chant

Acclame

Un Visage aujourd’hui,

Qui dans le champ

Des âmes

En fleurs se reproduit.

Sous le soleil

Une âme

A brûlé son Image;

Elle est pareille

Aux flammes

Des chassis du village.

C’est indécent

Mesdames,

D’exposer sous la pluie

De l’astre en sang,

Ses charmes

Sans égard pour autrui.

Dans son éveil,

Jeune âme

Exposée au ravage,

L’œil en bouteille

Il rame

En suivant le rivage.

Mon cher enfant!

Pauvre âme!

Vois-tu venir la nuit

Qui s’assoiffant

Réclame

Ton cœur creux comme un puits?

 

La mer surveille,

Le blâme;

Telle une langue au large

Par les orteils,

Sa lame

S’en saisit et s’en charge.

L’ange méchant

Réclame

Cette âme et son étui;

D’un affreux chant

Proclame

Qu’il a mordu le fruit.

II

Dans son sommeil

La dame

Bel oiseau, son plumage

Qui fut merveil,

S’entame,

Une odeur s’en dégage.

-"  Sens-tu le vent

 Ma femme? "

" Ça sent un corps qui cuit.. "

 le drame,

  Ca remue sous la suie. "

 

-" Reste, surveille,

 J’alarme

 En courant sur la plage;…

 Qu’on se réveille!…

  Gendarme!

 Es-tu dans les parages?.. "

-" La belle enfant!

 Ses charmes!

 Dieu les lui a détruit!

 On lui défends

 Mais l’arme

 N’aura fait que du bruit. "

Sous le soleil

Une âme

A brûlé son Image;

Elle est pareille

Aux flammes

Où fou le damné rage.

Frivole enfant!

Ton âme

Que le vent sec essuie,

En s’étouffant

Se pâme

Le remords te poursuit.

III

Devenue vieille

L’infâme

Aperçut sur la plage

Une corneille

Sous prame,

Dévorant en bas âge

Un rose enfant ;

Quel drame!

L’oiseau dur qu’un tel fruit,

S’en caressant

Affame,

Châtia ainsi fortuit.

Dans son sommeil

La femme

Qui perdit le volage,

Nue au soleil.

La trame

Des châssis du village,

Fit que l’enfant

Sous prame,

Était le sien enfuit;

Trop repoussants

Ses charmes,

Il se poussa la nuit.

IV

Quand tu conseilles,

Sois calme

On deviendra plus sage;

Souffle à l’oreille

De l’âme,

On gardera la cage.

Si tu défends,

Tu armes

Contre toi l’éconduit.

Donne à l’enfant,

Dictame,

Un chapel ça réduit,

Sainte merveille,

Dans l’âme

La tentation de l’âge

Qui se réveille

Aux charmes

Du corps et du pelage.

Bien dit son chant

Acclame

Un Visage en Marie,

Qui dans le champ

Des âmes

En fleurs le reproduit. (28.07.85)

Faribole

Je suis un homme de prière

Qui lutte contre l’ennemi;

Je ne le suis pas qu’à demi

Mais en tout temps à part entière.

Lorsque je ferme ma paupière

Et que je suis bien endormi,

Toujours mon cœur veille et gémit,

Jamais mon âme est en l’ornière.

Je suis un soldat du bon Dieu

Œuvrant en Lui-même en tout lieu;

Je suis le serviteur fidèle

De Notre-Dame du Labeur…

Qui rendra tel ces mots trompeurs,

Mon cœur aimant être auprès d’Elle. (15.06.96)

 

 

Manne

En vain ai-je lancé mon filet pour la pêche ;

Dans les mailles je n'ai qu'un trop menu fretin.

J'ai pêché tout le jour dès le petit matin.

J'ai de la fièvre au front ; sans doute est-ce la fraîche.

 

Le temps s'est refroidi ; le vent se fait revêche.

Mon panier sera vide à Pâques c'est certain.

Comment trouver de quoi nourrir tant d'intestins ?

Il faut que j'y retourne et que je me dépêche.

Déjà Jésus descend dans le fonds des enfers,

Et le chaos est tel au sein de l'univers,

Qu'ici tout s'obscurcit ! les eaux sont en tumulte ;

 

 

Et ma barque qu'afflige une exécrable mer

Dont l'onde se corrompt  au rite de Cranmer,

Malgré tous les fouets, les soufflets, les insultes,

Sous une neige s'enfle, et dans mon cœur j'exulte. (18.04.03)

 

Crucifix

Exaltation

En la chapelle il est, sur l'humble autel de bois,

Un crucifix bénit par Jésus-Christ Lui-même ;

Quand j'y vais je l'embrasse en disant : "  je Vous aime !

O ! Faites que j'accours toujours à votre voix ;…

Et que toujours fidèle à votre sainte Foi,

Je brandisse très haut Votre divin emblème ;

Et lorsque je serai près de l'instant suprême,

Que j'y sois avec Vous sur le bois de la croix,…

Moi néant que je suis, Vous Sagesse Incarnée,…

La tête dans la Vôtre, en elle couronnée,…

Et les pieds dans vos Pieds, et les mains dans vos Mains,…

Et, noyé dans la mer de Votre Amour Immense,

Mon cœur dans Votre Cœur transpercé d'une lance..

Je veux mourir en vrai Catholique Romain. " (01.10.02)

La Voie Étroite

On traite d'insensé qui marche en cette voie

Malgré ce qu'a d'attrait ce monde où nous vivons.

Sous chacun de nos pas se présente un savon :

Pavé dont chaque instant est un doux lit de soie.

 

 

" Son joug âcre, dit-on, nous prive de la joie " ;

S'y soustraire à dessein, c'est choisir le démon.

Si l'on se croit chrétien, l'on n'en a que le nom…

..En ce déluge ultime où le monde se noie. (21.05.02)

La Conscience

Sa semonce provoque un accablant remords

D'avoir commis le mal, omis le bien à faire ;

Selon la gravité, elle est douce ou sévère

Et pour peu qu'on s'entête, elle traque, elle mord.

Elle poursuit son hôte ainsi jusqu'à la mort,

Cette importune voix qui ne sait pas se taire ;

Pourtant, c'est une amie intime et nécessaire ;

Sans elle on serait dupe, et triste notre sort. (01)

 

Marie

Ma Mère et Ma Muse

Je ne suis pas ce vrai poète

Pour qui les muses sont voraces,

Tyrannisantes, ou muettes

Lorsqu'il mérite leur disgrâce.

A ceux qui sont de cette race,

Faites-en fi, cela les fouette,

Ou noircissez moult pap'rasse

Si c'est ce dont l'égo souhaite.

Un bon poète prolifique

Aura le verve catholique

Sinon son art sera chimère.

A qui ne cherche gloire vaine,

D'entre les muses c'est la Reine

Qu'offrira Dieu: " Voici ta Mère! " (03.10.00)

 

Impression

Tant de fatigue m'accapare dans mes liens!

Mon âme doucement se détache, s'élève.

Je me sens envahir d'une nouvelle sève

Cependant que mon corps encore me retient.

De jour en jour en poursuivant mon entretien

Avec le ciel qui me fait croire l'heure brève,

Le monde où l'on se meut, m'apparaît comme un rêve:

Sans doute est-ce à grands pas que le bon Dieu s'en vient!

Prévision

La terre tourne et le temps fuit.

La vie est terne en ce bas monde.

Sonde ton cœur, la guerre gronde.

Consternante sera la nuit.

Courrez tandis que l'astre luit,

Les ténèbres déjà l'inondent.

La terre dure est inféconde

Et tout torrent de noir enduit. (02.00)

 

Vigilance

Où qu'on aille, le démon rode:

Le maudit sans cesse à l'affût

Malgré d'opiniâtres refus,

S'affaire à raffiner ses fraudes.

Il s'acharne même taraude,

Tâchant de nous rendre confus,

Et, sournois tel le chat Griffu,

Attrape l'âme un brin faraude. (05.03.98)

 

 

 

 

Veillée Nocturne

Lorsque le soir trop engourdi par le sommeil,

À l'heure hélas! Où l'homme ingrat, frileux se couche,

Alors qu'il me faut être avec Jésus qui veille,

Je vais dolent et lourd m'étirer sous la douche;

Quand de retour auprès de mon pourpre Soleil,

Je suis soudain distrait par le vol d'une mouche,

Je me surprend rêvant et baillant aux corneilles,

A dormir à genoux figé comme une souche. (13.01.98)

 

Écheveaux

Le monde vit dans le désordre

Et l'âme faible est en péril:

Tout est si faux, si puéril,

Je sens l'angoisse au cœur me mordre,

…Et mon esprit sensé se tordre

En écheveaux de mille fils:

Mes vers s'y tissent vains et vils;

Je suis le moindre de mon ordre.

Verbe Divin en qui je crois,

Fixe ma verve sur ta Croix

Qu'iconoclaste l'on piétine:

Ceins de ton Casque ma raison

Pour en garder sous sa toison,

Mon cœur que cardent les épines. (07.11.00)

 

 

 

 

 

 

Rupture

Sous le ciel en larmes,

Un enfant s'en vient:

Prête-lui tes armes,

Laisse-lui ton chien.

Sous le ciel en pleurs,

Une enfant est triste;

Offre-lui des fleurs,

Parle-lui du Christ.

Sous le ciel en pluie,

Deux enfants ont froid

Portant sans grand bruit,

Le poids de leur croix.

Sous le ciel en eau,

Ce sont leurs adieux;

Leurs doigts sans anneau,

Se laissent pour Dieu. (12.06.86)

Cagibi

(A l'impulsion)

Dans ce simple réduit, je suis presque chez-moi ;

Quand mon corps est fourbu, mon âme en désarroi,

Souvent c'est là que j'entre, à l'insu me retire;

Je m'assied pour prier, griffonner, même lire;

Parfois fermer les yeux, faire un bref examen

Pour mieux me replacer dans le royal chemin.

L'éclairage est très bien, l'étagère pratique ;

J'y place des papiers et de menus articles.

Un petit tabouret me tient lieu d'escabeau,

De siège pour m'asseoir quand j'écris quelque mots.

Ce que je récupère, à même les emplettes

Pour le travail, se trouve ici sur les tablettes.

Ca sent l'huile à vadrouille et ce n'est pas très grand ;

Je n'ai pas de fenêtre, et le plafond descend ;

On est sous l'escalier qui monte au quatrième;

Un endroit peu commun pour écrire un poème.

Malgré cet inconfort, au moins je suis peinard;

J'y puis fermer la porte à l'abri des regards ;

Attendre que le temps à la sourdine passe,

Et, chapelet en main, suivre une Messe basse. (automne.00)

S’il en est…

S'il en est des férus qui font des mots croisés,

Alors moi Je compose avec soin des poèmes,

Un peu comme on fabrique des paniers tressés

Afin d'offrir des fleurs à l'Être que l'on aime.

 

Pertinence

Ne va-t-il pas trop vite

L'imprudent petit gars?

Personne n'en fait cas;

Il gravit, on gravite.

Léger il en profite

Et sans presser le pas;

Les autres sont en bas

La face déconfite.

Son pas est de velours;

Le leur beaucoup trop lourd

N'est exempt de tapage.

Lorsque tu veux monter

En toute liberté,

Ne prends point de bagage. (02.97)

 

 

Prédateur

Qui ne fait bruit n'effraie,

Qu'il soit petit ou gros,

Que s'il montre les crocs,

Par là sa face vraie.

Or avec qui l'on fraie,

Prudence n'est de trop.

Au filet de l'escroc,

Pousse un grand cri d'orfraie.

Innocents ou naïf

Fuyez d'un pas hâtif

La bête qui chuchote,

Ou cet homme suspect

Qui sous un louche aspect

Cache ce qu'il mijote. (27.09.97)

 

Hommage.. Imaginaire

Dis te rappelles-tu ce canoë d'écorce

Dont on te fit cadeau tu n'en savais pourquoi?

…Cet arc et ses silex dans ce joli carquois

Que fier tu arborais en te gonflant le torse?

 

…Et ce cour- d'eau bruyant qui par endroit se corse,

Qu'en splendides guerriers nous affrontions narquois?

Autant pour le pays que pour chaque iroquois,

Tu devins cet héros de courage et de force,

C'est qu'un jour tu fis face au féroce grizzli..

O rien qu'à y penser, encore j'en pâli…

…Tout en tournant ces vers pour un ultime hommage.

 

 

Quand je naquis l'aïeul s'anticipât d'offrir

Ces biens pour toi qu'en songe il entrevit souffrir…

…Enfant je fus sauvé d'un atroce carnage. (02)

 

Chien muet

Un gros chien menaçant échappe sa salive

Sur le visage doux d'un tout petit enfant.

Brusquement il le lèche et toute en l'étouffant

Enfonce dans son cou ses dures incisives.

Il le traîne cruel laissant voir sa chair vive

Éclabousser le sol qui se teinte de sang.

Au même instant éclate un coup qui le descend.

Sur sa proie il s'effondre en victime agressive.

Ce chien fut maltraité depuis qu'il était chiot.

On le rendit méchant pour garder le rafiot

Où dut-on l'enfermer tout au fond da la cale.

Le moindre craquement le faisait aboyer ;

Les enfants en étaient à tel point effrayés,

Qu'on lui fit mutiler les deux cordes vocales. (10.08.97)

 

Un Arbre

Sans subir aucun tourment,

Sans se faire aucun souci,

Cet arbre qui pousse ici,

Pousse naturellement.

Il étire son sarment

Tout en restant bien assis;

Peu de gens le font ainsi

Or aussi facilement.

Certes il y a bien le vent

Qui l'agite très souvent,

Et que dire de la pluie?..

Et du froid qui le torture?

Tout cela c'est la nature:

Ce beau livre qui m'instruit. (13.06.96)

 

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